d’abord à se livrer tout entier. Quel est le but de l’auteur ? Il veut exalter le patriotisme et défendre en même temps la vieille religion du pays. Pour cela, il choisit une époque où les conquérans de la Flandre sont aussi les soldats du catholicisme et son avant-garde la plus résolue contre les ennemis du saint-siège. Les Espagnols qui opprimaient la Flandre au XVIe siècle, les Espagnols de Philippe II et du duc d’Albe, sont certainement bien odieux, et M. Conscience ne dissimulera pas les horreurs de son sujet ; cependant, en frappant l’ennemi, les Belges feront-ils cause commune avec le protestantisme ? Vont-ils confondre dans une même haine les bandes insolentes de l’Espagne et les institutions catholiques ? Ne pourront-ils venger la mère-patrie qu’en déchirant le sein de l’église ? Telle est l’inquiétude du conteur, telle est la grave et tendre inspiration de son récit.
Le héros du livre est un jeune gentilhomme, Lodewyk van Halmale, aussi dévoué à sa foi religieuse qu’à l’indépendance de son pays. Au milieu des conspirations secrètes, dans les salles ténébreuses où se prépare la vengeance du peuple, Lodewyk maintient seul et résolûment l’intégrité de la religion des Flandres. Brave, éloquent, inspiré, il défend contre ses amis, par la parole et par le poignard, la ligne qu’il entend suivre. Cette jeune figure, avec son élégance altière et son exaltation réfléchie, est une création vraie qui fait le plus sérieux honneur à M. Conscience. Une autre création très heureuse est celle de Gertrude, la fille du vieux Godmaert, l’un des chefs de la conspiration qui s’apprête. C’est Gertrude qui encourage Lodewyk dans les périlleuses luttes qu’il soutient chaque jour, c’est elle qui renouvelle chez l’amoureux jeune homme les fières inspirations du patriotisme et de la foi religieuse. Et quelle tendresse, quelle parfaite ingénuité dans l’ame de la jeune fille ! Ce couple gracieux, éclairé d’une lumière charmante, se détache poétiquement sur le sombre fond du tableau. Puis, quand la révolte éclate, les émeutes sont décrites avec vigueur, et le ravage des églises par les hérétiques fournit au conteur d’admirables épisodes. Je signalerai surtout la mort de ce jeune peintre massacré dans une chapelle au pied de son œuvre qu’il défend. Le roman de M. Conscience ne peut être analysé en détail : on ne reproduit pas une suite d’épisodes ; il suffit de dire la pensée qui les unit. Cette pensée est dramatique et profonde ; en confrontant ainsi l’Espagne et le catholicisme, en montrant les efforts des conjurés du XVIe siècle pour frapper l’une sans ébranler l’autre, le jeune romancier a éclairé avec art une page importante de l’histoire. Nous n’assistons pas au grand denoûment de la lutte ; la scène est en 1556, et ce n’est que quinze ans plus tard, en 1581, que Philippe II, après une longue guerre, perdit les Pays-Bas. M. Conscience a eu raison de comprendre son sujet de