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ame et avec laquelle il est convié à passer sa vie dans la vallée fortunée. Arthur est bien près d’oublier le monde et ses rudes devoirs ; toutefois l’honneur l’emporte à la fin, et il se décide à partir.

Victorieux dans cette première épreuve, dont il ne sort cependant qu’à demi mort, le roi paladin accomplit tour à tour ses douze travaux en dépit de tous les esprits qui peuplent les eaux et les abîmes de la terre, le vide du néant et l’empire de l’allégorie. Pour s’emparer du glaive de diamant, il faut qu’il suive la dame du lac au fond de sa demeure humide, qu’il résiste à la tentation de cueillir les fruits d’or de l’ambition, et que, dans la grotte de rubis où trônent les princes du temps, il choisisse, entre trois avenirs déroulés devant lui, le sort du héros qui meurt pour tous, et qui, par sa mort, engendre toute une postérité héroïque. Du sein des eaux, nous sommes transportés au milieu des glaces du pôle. L’épisode du bouclier de Thor est comme la descente aux enfers du prince breton. Arthur pénètre au fond du cratère d’un volcan tout peuplé des plus terribles génies de la mythologie scandinave et des cadavres géans des monstres antédiluviens. Ce n’est plus l’ambition et l’orgueil qu’il a à affronter, c’est la terreur : le bouclier qu’il cherche est caché par-delà les siècles morts, derrière les rideaux qui enveloppent la couche du roi-démon de la guerre. Comment le jeune prince triomphe-t-il de tous les redoutables habitans de l’abîme, de ses iguanodons et de ses mastodontes, des Trolls qui façonnent les tremblemens de terre et des farouches Valkyries, pourvoyeuses de la mort, de Thor enfin et de tous les Titans contemporains de Tubai ? Le poète ne le dit pas, et nul ne doit jamais le savoir. Au moment où Arthur porte la main sur la couche du dieu de la guerre, un bruit formidable se fait entendre, et près du cratère du volcan les compagnons du héros retrouvent son corps inanimé qu’ont vomi les forces souterraines.

La dernière épreuve du jeune roi a pour théâtre un antique tombeau où il s’est endormi. En s’éveillant, il voit se déchirer le voile qui sépare le présent de l’éternel. Le temps, l’espace et la matière s’anéantissent pour lui ; il est en face « de l’impalpable partout, » de la zone du vide, qui n’est qu’un passage entre l’existence qui finit et la renaissance. Un instant, il a frissonné au souffle de la mort ; mais, en levant les yeux sur l’image de sa conscience qui lui apparaît toute rayonnante, il sent soudain se dissiper ses terreurs. Alors le charme s’évanouit. Le mortel se retrouve sur la terre, et devant lui il aperçoit une vierge endormie ; c’est l’épouse promise, qui n’est autre que Geneviève (la Ginèvre des romans de geste), la fille du roi des Saxons Merciens qui assiègent Carduel. Une fois maître des trois talismans, Arthur n’a plus à craindre la destinée. Sur tous les points, les Bretons remportent la victoire, et le