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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LE CONNÉTABLE.

Eh bien ! continuez ; allons ! courage !

LE PRINCE DE CONDÉ.

Par malheur, mes discours ne l’ont pas plus touché que s’il était de pierre, et je ne sais, en vérité, si la contagion m’a gagné, ou si sa constance m’a vaincu, mais, plus nous approchons d’Orléans, moins je me persuade que nous puissions ni lui, ni moi, faire au roi et aux états si grave injure que leur tourner le dos.

LE CONNÉTABLE.

Comment ! vous aussi ! (À part.) et ce Dardois, qui tout à l’heure…

LE ROI DE NAVARRE.

Il veut rire, connétable ; je ne me flatte pas de l’avoir converti.

LE CONNÉTABLE, d’un ton sévère.

Ah çà ! messieurs, disons-nous des sornettes pour amuser les femmes ?

LE PRINCE DE CONDÉ.

Non, nous parlons sérieusement, très sérieusement ; au point où en sont les choses, il n’est plus temps de reculer.

LE ROI DE NAVARRE, à part.

Que veut-il dire ?… Je crois rêver !

LE PRINCE DE CONDÉ.

J’aimerais mieux qu’il en fût autrement. Je voudrais être encore à Poitiers ou à Tours. Là, je persisterais dans mon premier avis ; mais ici, je dois le reconnaître, il n’est plus de saison.

LE CONNÉTABLE.

Comment ! morbleu ! parce que le piège est sous vos yeux, c’est une raison pour y tomber ?

LE PRINCE DE CONDÉ.

Écoutez-moi, connétable ; tout se réduit à cette simple question : Sommes-nous en état de tenir la campagne ? À Poitiers, à Châtellerault, on venait s’offrir à nous de tous côtés. Nous pouvions en huit jours réunir trois mille lances, cinq à six mille fantassins de Périgord, et force gentilshommes bien montés, bien équipés. C’était une armée. Il est vrai qu’il fallait prendre un gros parti, planter hardiment la religion et mettre bas la messe.

LE CONNÉTABLE.

Tout beau !

LE PRINCE DE CONDÉ.

Nous avons refusé.

LE CONNÉTABLE.

Et vous avez bien fait !