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en l’an 57 ; et, chose étrange que nous renonçons à faire comprendre au Peuple souverain, c’est peut-être précisément parce que la république française fera cela en l’an 57, qu’elle aura une année 58 et 59. L’avenir nous démontrera chaque jour davantage que la république ne vit que parce qu’elle n’est républicaine ni au dedans ni au dehors. Que la république redevienne républicaine comme l’entendent certaines gens, elle vivra ce qu’ont vécu les républiques de Florence et de Rome.


L’Autriche est aux prises de nouveau avec de graves complications sur son propre territoire. Après plusieurs mois d’escarmouches, la guerre de Hongrie devient sérieuse. Triste situation, dont la Russie n’a point à se plaindre, mais dont l’Occident a droit de se préoccuper d’autant plus ! En janvier l’insurrection magyare, qui s’était vue dans l’impuissance de porter secours à celle de Vienne, après de fabuleuses promesses, semblait à la veille d’être entièrement comprimée sur le sol hongrois même. Pourchassés de Presbourg à Comorn, de Comorn à Pesth et de Pesth à Debreczin, par-delà les marécages de la Theiss, les Magyars, malgré tant de défaites, ont repris récemment l’offensive.

Le remplacement du prince Windischgraetz par le maréchal Welden à la tête de l’armée autrichienne ne révèle qu’en partie le secret de ce brusque revirement des chances de la guerre. Les fautes qui l’ont compromise ne sont point seulement les fautes du général en chef, beaucoup plus fort, à ce qu’il paraîtrait, sur les détails de la loi martiale que sur la stratégie. Le cabinet commence à s’apercevoir qu’il aurait bien aussi quelques graves reproches à se faire pour avoir manqué à la gratitude qu’il avait promise aux Slaves victorieux dans les murs de Vienne. À peine la Hongrie semblait-elle en voie de pacification que, redoutant toutes ces jeunes ambitions de peuples et d’hommes dont il avait tiré si bon parti, le gouvernement autrichien modifiait sensiblement sa politique à leur égard. Les Serbes, maîtres de la Syrmie et du Banat, et ainsi des deux rives de la Theiss, alliés des Valaques, qui sont la population dominante en Transylvanie, les Serbes, qui avaient depuis le 12 juin soutenu, sans perdre un pouce de terrain, tout le poids de l’armée magyare, répondaient de protéger cette principauté à la seule condition que le budget autrichien leur prêtât un concours effectif. Le cabinet refusa, dans la crainte de l’influence qu’ils avaient déjà su prendre dans cette guerre et de leur patriotisme slave, beaucoup plus âpre que celui des Croates. Les Croates eux-mêmes devenaient suspects. Gênés dans leurs libertés locales, trompés dans l’espérance de voir leur ban au premier rang de l’armée, suivant la promesse qu’on lui en avait faite dans l’effusion de la reconnaissance, ils osèrent se plaindre, et les feuilles ministérielles de Vienne envenimèrent ces griefs en déclarant fort clairement que l’on pourrait bien quelque jour bombarder Agram tout comme on avait fait Prague. Enfin cette politique, que les Slaves qualifiaient d’allemande, fut imprudemment couronnée par la dissolution de la diète de Kremsier, diète impuissante assurément, mais animée de cet esprit de confédération qui est le fond du programme des Slaves-Autrichiens.

La constitution octroyée accordait sans nul doute une grande somme de liberté civile et politique, mais elle repoussait cette idée d’une autonomie nationale à