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c’est là qu’ils font la sieste pendant la chaleur, du jour et qu’ils reposent pendant la nuit, à l’abri de la pluie comme de la chaleur, protégés contre les exhalaisons et l’humidité du sol, et rafraîchis par l’air qu’admettent les interstices du treillage. À la poutre centrale se trouvaient suspendues plusieurs enveloppes de tappa ordinaire, que l’on faisait descendre au moyen d’une corde, et qui renfermaient des vêtemens et des ustensiles. Sur le mur, des javelines, des piques, des boucliers sauvages étaient disposés de manière à former des figures régulières. Je doute que l’on puisse rêver une architecture dont l’appropriation fût plus convenable au climat et plus heureusement inventée. »


Une fois maîtres de leur jolie volière, il faut avouer que ces messieurs jouirent paisiblement de tous les biens matériels que la civilisation de Tior peut offrir à de jeunes matelots. Miss Fayaway chantait comme un ange, Marheyo était un fort bon diable, Kori-Kori un excellent domestique, plus complaisant que les helps des États-Unis ; à la fois aide-de-camp, intendant, valet de chambre, groom, précepteur, maître de langue et poète, il servait même, dans l’occasion, de cabriolet et de cheval. Melville, selon sa coutume, enfourcha cette monture un soir que le roi lui fit la grace de le conduire aux célèbres tabous de la vallée, lieux consacrés par le paganisme de ces îles


« Au sommet de la colline nous trouvâmes les bosquets sacrés qui avaient servi de théâtre à tant de rites horribles et de fêtes nocturnes. Un crépuscule solennel, semblable à l’ombre des cathédrales, régnait sous les épais feuillages des arbres à pain consacrés. Tout semblait rempli de l’horreur profonde et du génie funèbre de ce paganisme sauvage. Çà et là, dans les profondeurs de ces bois solitaires, à demi cachés par des masses de feuillage, s’élevaient sous la forme d’énormes blocs de pierre noire et polie les autels du sacrifice, construits sans ciment, d’une hauteur de douze à quinze pieds, et couronnés par un temple rustique ouvert de tous côtés, entouré d’une palissade de bambous, et dans l’intérieur duquel on apercevait les débris des offrandes religieuses, des fruits d’arbres à pain et des noix de coco, dans un état de putréfaction plus ou moins avancé. Au centre même du bois, un espace oblong et assez considérable, recouvert de dalles polies, était réservé pour la célébration des rites les plus secrets, et se terminait, aux deux extrémités, par deux terrasses ou autels ornés de deux rangées d’idoles en bois, épouvantables à voir. Les deux autres côtés du quadrangle étaient garnis de petites huttes de bambous, dont la porte s’ouvrait à l’intérieur de l’espace consacré. Tout au milieu, des arbres énormes, dans le tronc desquels on avait pratiqué des espèces de tribunes destinées aux prêtres qui haranguaient le peuple, versaient une ombre mystérieuse. Telle était la sainteté du lieu que toute femme convaincue d’y avoir pénétré était à l’instant mise à mort. Près de l’arbre central était un toit de bambous, consacré comme tout le reste. Ce fut là que nous conduisit le roi, suivi d’une foule nombreuse ; les femmes s’arrêtèrent à distance et les hommes vinrent jusqu’à la porte de l’édifice. En y entrant, je vis avec surprise six mousquets rangés contre la muraille, chacun avec une poire à poudre suspendue à côté, et, en face, un grand nombre d’armes diverses : épées, lances, javelots, massues. « Ce doit