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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/839

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Abusé par des renseignemens inexacts, il s’empresserait d’expier son injustice en rétractant son erreur ; mais des ennemis si courtois ont toujours été assez rares. D’ailleurs, pour peu qu’on se respecte, on met de la mesure jusque dans le blâme ; on ne se le permet qu’en l’appuyant sur des documens, sinon irrécusables, du moins spécieux. Cette méthode n’est point d’un usage général : elle a été remplacée par une autre beaucoup plus commune, et surtout bien plus facile. Défigurer l’histoire sous prétexte de la réformer, intervertir les opinions reçues et les réputations acquises, flétrir les noms consacrés par la tradition séculaire ou par l’appréciation contemporaine, réhabiliter ceux qu’atteint un jugement sévère et mérité, présenter des idées erronées ou vulgaires sous l’appareil d’une fausse érudition et d’une fausse conscience historique ; mêler ce que tout le monde sait à ce que personne ne croit, ce qui traîne partout à ce qu’on n’a jamais vu nulle part ; faire flotter deux ou trois paradoxes sur un océan de lieux communs ; puis, après avoir donné des banalités pour des découvertes dans un style prétentieux et vague, dont la pesanteur n’est comparable qu’à la légèreté des informations, attacher à cette compilation indigeste une longue préface pleine d’une sorte de forfanterie gouvernementale et de je ne sais quel esprit gourmé soi-disant conservateur ; se poser devant les badauds en avocat consultant de l’Europe monarchique, en conseiller intime des souverains et des hommes d’état du midi et du nord, de l’est et de l’ouest : voilà le procédé appliqué par de prétendus historiens à tous les règnes, à toutes les époques, depuis le Xe siècle jusqu’au XIXe, depuis Hugues-Capet jusqu’à Louis-Philippe ; recette uniforme avec laquelle on peut mettre toute l’histoire de France en pamphlets, comme le père Berruyer avait mis jadis toute l’histoire sainte en madrigaux.

Qu’une personne digne des respects universels et devenue plus respectable encore par l’empreinte sacrée du malheur vienne à être injustement attaquée dans de pareils ouvrages, doit-on s’en indigner ? doit-on même s’en apercevoir ? Y prendre garde, n’est-ce pas tomber dans un piège ? En croyant faire une réclamation, ne risque-t-on pas de venir en aide à une réclame ? Enfin, contre de telles attaques, y a-t-il d’autres armes que le dédain et l’oubli ?

Ces armes suffiraient, sans doute, s’il s’agissait d’une défense personnelle. Qu’un homme engagé dans le mouvement journalier des affaires, en pleine possession de sa patrie et de lui-même, qu’un ministre, par exemple, un fonctionnaire public, calomnié dans un journal, dans un livre, lève les épaules et passe, sa conduite est naturelle et logique : il a pour lui l’occasion et le temps ; il peut prendre sa revanche sans aller s’engager dans une apologie fastidieuse et inutile. Mais si l’agression tombe sur une mère, sur une veuve, sur une princesse exilée et proscrite ; si une accusation imméritée la poursuit dans