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Eisenmann fût repoussée, il n’y avait pas là, en apparence, un intérêt bien considérable. L’intérêt, pressant, c’était que le parti libéral montrât sa force, c’était que l’influence de ce grand parti, clairement manifestée au sein de l’assemblée, pût protéger et guider l’opinion publique jusqu’à la convocation de l’assemblée nationale. Ce résultat, M. de Gagern, M. Welcker, M. Bassermann, l’avaient préparé par leurs discours. L’assemblée commençait à se faire connaître ; les forces de chaque parti se dessinaient clairement ; entre la réforme, comme l’avait dit M. de Gagern, et le bouleversement de l’Allemagne, on pouvait prédire à coup sûr de quel côté se tournerait l’assemblée.

On reprit donc la discussion sur la proposition Eisenmann sans y attacher désormais la même importance. La première partie fut admise, c’est-à-dire que l’assemblée résolut de commencer ses travaux par la loi électorale. C’était là une grave et difficile entreprise ; c’est aussi une des choses qui ont fait le plus d’honneur à l’assemblée des notables. Une assemblée formée par quelques hommes, réunie avec éclat dans la ville où l’on couronnait les empereurs, délibérant d’une manière solennelle, faisant enfin et promulguant la loi en vertu de laquelle tous les peuples de l’Allemagne, depuis le Rhin jusqu’aux frontières russes, depuis la mer Baltique jusqu’aux Alpes tyroliennes, choisiront leurs députés pour un grand parlement national, — tel est le spectacle extraordinaire qui fut donné à l’Europe au mois d’avril 1848.

Il y avait plus d’un problème à résoudre. — Quelles seront les parties de la confédération germanique représentées à l’assemblée nationale ? Quel rapport fixer entre l’importance de la population et le nombre des députés ? Quel sera le mode de l’élection ? où se fera-t-elle ? N’y aura-t-il qu’une assemblée, ou bien les gouvernemens seront-ils aussi représentés dans un congrès ? — Sur le premier point, l’orgueil allemand devait se donner des libertés singulières, et l’on va voir se déclarer avec candeur toutes les prétentions du patriotisme le plus jaloux. Qu’est-ce que l’Allemagne ? se demande l’assemblée. Où commence-t-elle et où finit-elle ? D’après les doctrines de Hegel, l’Allemagne ne finirait nulle part ; car, si l’Europe mène le monde, c’est l’Allemagne qui mène l’Europe, et le sang germanique a créé l’humanité moderne. Les politiques du pays veulent bien ne pas être aussi exigeans que les philosophes ; ils se contentent de quelques bonnes conquêtes sur les frontières. Le Schleswig vient de se révolter contre le roi de Danemark ; l’assemblée décide que le Schleswig enverra ses députés à Francfort. Ce sont deux délégués du Schleswig, M. Lempfel et M. Schleiden, qui provoquent cette décision au milieu des frénétiques applaudissemens de l’assemblée et des tribunes. La décision est prise à l’unanimité. Un seul député, M. Schwetzke, professeur à Halle, ose se lever à la contre-épreuve. C’est ainsi qu’une seule protestation s’éleva contre le serment