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même niveau. MM. Schaffrath et Vogt méritent une place à part ; le premier est un avocat saxon, esprit turbulent, ambitieux de bas étage, qui ne manque pas d’une certaine dextérité de parole ; le second, professeur d’histoire naturelle à l’université de Giessen, a appris l’athéisme en étudiant les merveilles de la création. Ce logicien est enrôlé dans les corps francs de l’école hégélienne, et il serait le spécimen le plus complet de l’athéisme germanique au parlement de Francfort, si le parlement n’avait le bonheur de posséder l’un des maîtres de M. Vogt, le fondateur des Annales de Halle, M. Arnold Ruge. M. Arnold Ruge est un homme d’un incontestable talent. Il y a chez lui un écrivain habile, une intelligence prompte, subtile, originale, en dépit des folies hégéliennes, plusieurs qualités estimables. Par malheur, cet esprit, qui s’était soustrait tant bien que mal à l’action dissolvante de l’athéisme hégélien, a été comme dérangé subitement par la fièvre révolutionnaire. C’était hier un docteur qui extravaguait spirituellement la plume à la main ; c’est aujourd’hui un tribun qui a perdu la raison en faisant ses débuts sur la place publique. M. Arnold Ruge est un médiocre orateur, et il ne brille guère à la tribune de Saint-Paul ; en revanche, le publiciste hégélien réussit beaucoup dans les clubs, où il résume à sa manière les discussions de l’assemblée. C’est ainsi qu’à l’occasion du débat sur le pouvoir central : il condamnait tout simplement à la potence l’immense majorité du parlement. Les clubs avaient encore une autre façon de venger l’infériorité des orateurs démagogiques ; les cris et les menaces ne suffisant pas, on en vint aux outrages directs. Dans la soirée du 2 juin, le digne président qui dirigeait si imparfaitement les débats vit sa maison entourée par une bande d’insulteurs à gages. L’ordre fut promptement rétabli ; mais cette tentative seule, exécutée contre un homme tel que de M. de Gagern, indiquait assez la stupide brutalité des démagogues.

Il ne suffisait pas cependant d’avoir écarté le programme de la gauche : la question n’avançait pas, et les différentes fractions du parti constitutionnel étaient bien loin de s’entendre. Propositions et amendemens se croisaient en tous sens. Enfin, au moment où le dernier des orateurs inscrits descendait de la tribune, M. de Gagern, laissant le fauteuil de la présidence à M. de Soiron, résolut de jeter dans la balance l’autorité de son opinion et de mettre fin une bonne fois à toutes les fluctuations de l’assemblée. C’était le 24 juin, à la séance du soir. M. de Gagern commence par rendre hommage aux principes de la droite. – « Il n’est pas bon, dit-il, absolument parlant, que cette création de l’autorité centrale ait lieu sans le concours des cabinets de Vienne et de Berlin, de Stuttgard et de Munich ; mais il ne s’agit pas ici de théorie absolue : la nécessité parle, la nécessité nous presse et nous entraîne. En de telles occasions, hardiesse c’est sagesse. Messieurs