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Pendant que Satan et l’enfer se parlaient ainsi, une voix de tonnera se fit entendre : « Ouvrez vos portes, ouvrez-vous, portes de l’éternité, voici le roi de gloire ! » Et l’enfer, parlant à son prince, s’écria : « Va donc et, si tu es un si puissant guerrier, va combattre le roi de gloire ! » Satan sortit, et l’enfer dit à ses démons : « Fermez les portes, affermissez-les à l’aide de verroux de fer ; raidissez-vous pour les soutenir, car, sans cela, malheur à nous, nous allons être vaincus ! » La voix retentit de nouveau : « Ouvrez vos portes ! » Et à ces mots les portes d’airain furent brisées, et, sous la forme d’un homme, le maître de majesté et le roi de gloire entra, illuminant d’une invincible lumière les ténèbres de l’enfer, et les fers qui enchaînaient les morts tombèrent tout d’un coup, et nous fûmes délivrés. » Et le roi de gloire, saisissant Satan, le remit à ses anges en leur disant : « Enchaînez avec des liens de fer ses mains, ses pieds, son cou et sa bouche. » Puis, le livrant à l’enfer ; dont il était prince autrefois : « Prends-le, dit-il, et garde-le enchaîné jusqu’au jour de ma seconde apparition. » L’enfer saisit Satan « Eh bien ! prince de perdition, tu t’applaudissais d’avoir crucifié Jésus, et son supplice a tourné contre nous. Tu sais quels éternels et infinis tourmens tu vas souffrir, aujourd’hui que tu es tombé en ma puissance ! »

C’est ainsi que l’enfer parlait à son prince, et Jésus, prenant Adam par la main, sortit des enfers. Tous les saints et tous les patriarches suivaient Adam, et, pendant que ce cortége montait vers le ciel, il chantait en chœur : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur : alléluia ! Gloire aux saints dans le cieux ! À leur entrée, deux vieillards vinrent à leur rencontre. « Qui êtes-vous, dirent les saints, vous qui n’étiez pas dans les enfers avec nous ? vous qui avez des corps et qui êtes placés dans le paradis ? » Et l’un d’eux répondit : « Je suis Enoch qu’une, parole du Seigneur a transporté ici, et celui qui est avec moi est Élie, qui s’est envolé vers le ciel dans un char de feu. »

Ainsi parlaient Énoch et Élie avec les élus, lorsque se présenta à leurs yeux un homme, le visage triste et abattu, portant une croix sur ses épaules, et les élus, le voyant, lui dirent : « Qui es-tu, toi qui as le visage d’un larron et qui portes une croix sur tes épaules ? ». Et l’homme répondit : « Oui, j’étais, comme vous le dites, un larron et un voleur sur la terre, et c’est pour cela que les Juifs me crucifièrent avec notre Seigneur Jésus-Christ. Étant sur la croix et voyant les prodiges qui s’accomplissaient[1], je crus en lui et je lui dis : Seigneur, ne m’oubliez pas au jour de votre règne. Et Jésus, répondant, me dit : — En vérité, tu seras aujourd’hui avec moi dans le paradis. Prends donc ma croix, et porte-la en paradis, et si l’ange qui en garde la porte veut

  1. La légende prétend que ce qui détermina le choix du larron qui devait se convertir, ce fut l’ombre du corps de Jésus-Christ, qui, tombant sur l’un d’eux, le pénétra de la grace divine.