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LE SOCIALISME


ET


LES SOCIALISTES EN PROVINCE.




Je quittai Paris, l’an passé, après les journées de juin. Je me rappellerai long-temps ces funestes journées. Je ressens encore aussi vivement que le premier jour les impressions terribles qu’elles firent sur moi. J’ai toujours devant les yeux l’image de cette bataille qui, durant de longues heures fiévreuses, me fit voir comme dans un cauchemar la France descendue plus bas que l’Espagne de Cabrera et d’Espartero. Et comme les facultés élevées de l’homme ne perdent jamais leurs droits, même au milieu des choses les plus terribles, je vois encore les douleurs et la forme sous lesquelles cette insurrection se présentait alors à mon imagination. Le droit d’insurrection avait atteint son apogée ; je le voyais dans toute la maturité de l’âge (je puis bien matérialiser, personnifier le droit d’insurrection ; c’est un droit si peu abstrait, si peu intellectuel), plein de confiance en lui-même, plein d’enseignemens, de science stratégique, avec fureurs calmes, ses colères concentrées, son caractère positif, comme celui d’un homme qui a beaucoup vécu. Il n’avait plus d’enthousiasme pour les mots ardent dont il s’enivrait autrefois ; il ne criait plus : Vive la liberté ! Vive la république Vous rappelez-vous ces jours sinistres ? Le tocsin sonnait à toutes les églises ; un soleil brûlant tombait d’aplomb sur les pavés des rues désertes ; on n’entendait d’autre bruit que le bruit du canon