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La Marquise.

D’excellentes raisons, monsieur ; des raisons qui seraient les meilleures du monde.

Le Marquis.

Permettez-moi de dire que cela serait injuste.

La Marquise.

Injuste ? Je n’ai pas l’avantage de vous comprendre..

Le Marquis.

Il ne peut échapper à un esprit supérieur comme le vôtre que l’infidélité d’une femme ne saurait jamais être la revanche légitime, la contre-partie équitable de l’infidélité de son mari, par exemple.

La Marquise.

Croyez-vous ? Le mot devoir est donc un mot à double entente, dites-moi, une sorte de dieu mystérieux à deux visages, qui nous regarde, nous autres, d’un œil implacable, tandis qu’il vous sourit avec aménité ? C’est donc, ce mot devoir, un terme ambigu qui, dans votre franc-maçonnerie conjugale, vous réserve l’infidélité comme un droit, et ne nous laisse que les bénéfices outrageans d’une contrebande criminelle ?

Le Marquis.

Permettez…

La Marquise.

Je ne permets pas, justement. Ainsi, vous n’oseriez en honneur violer les conventions arrêtées entre vous et votre valet de chambre ; mais la foi jurée à votre femme, l’échange de sermens fait entre elle et vous au pied de l’autel, à la bonne heure, cela ! Pour tout dire, vous nous faites, — et cela en temps de république, notez bien, — le sort des ci-devant nègres qui vous devaient tout et à qui l’on ne devait rien !

Le Marquis.

Pardon ; je n’ai pas dit cela et même je ne le pense pas. Un homme qui se permet de trahir sa femme me paraît commettre une assez méchante action, une faute très répréhensible.

La Marquise.

Oui, j’entends, — une espièglerie.

Le Marquis.

Un crime, si vous voulez, mais avec des circonstances atténuantes qu’on ne peut invoquer pour la faute d’une femme.

La Marquise.

Cela est décisif.

Le Marquis.

Cela est certain. Et remarquez que si je voulais parler comme la loi…

La Marquise.

Ah ! la loi ! joli !