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d’hui si M. le ministre des finances employait à redemander les anciens impôts la science et le talent dont il prépare les ressources pour la défense des impôts nouveau, croit-on que cette question serait un moment douteuse, et que l’assemblée, d’accord avec les contribuables, ne repousserait pas tous ces changemens qui déplacent, sans les alléger, les charges publiques et n’en font que plus sentir le poids ? Devons-nous donc tout renouveler sans cesse, et, s’il se passait vingt-quatre heures sans un changement, l’esprit humain aurait-il perdu sa journée ? On disait autrefois aux amis les plus opiniâtres de la stabilité qu’ils auraient été conservateurs au temps du chaos : ceux qui leur ont fait ce reproche demanderaient le progrès en paradis. Mais enfin, si l’esprit de rénovation est l’esprit de notre temps, qu’on mette à la fois sous les yeux du public les prétendus abus qu’on lui dénonce et les réformes qu’on lui prépare, et qu’il ait la faculté de choisir. Si les réformes l’emportent, elles remplaceront ces abus sans intervalle, et par cela seul elles en vaudront mieux, car en toutes choses, dans les impôts comme dans le pouvoir, rien n’est pire que les interrègnes. Qui sait aussi ? peut-être le public aimera mieux le mal qu’il connaît que le remède qu’il ignore ; peut-être il aimera mieux se résigner à ces vieux impôts sous l’empire desquels tout a haussé, les salaires comme les profits et les fermages, que de poursuivre ces utopies nouvelles qui promettent la réduction de toutes les taxes, et qui jusqu’ici n’ont réduit que les revenus.

Mais je me laisse entraîner au-delà de mon sujet. Je m’arrête. Une provocation partie de haut m’a imposé le devoir de justifier un gouvernement tombé. À cette défense du passé, j’ai ajouté mon avis sur la situation présente ; Dieu me garde de me désintéresser, même dans la retraite, des affaires publiques ! Au milieu des révolutions dont, depuis soixante ans, se compose notre histoire, il nous est arrivé à tous de douter un jour de la constitution de notre pays. C’est un sentiment plein de découragement et de tristesse : ne le rendons pas plus amer par notre faute ; ne séparons jamais, même par la pensée, notre humble fortune des destinées de la patrie ; à défaut de services dévoués, offrons-lui de sincères conseils, et souhaitons-lui toujours le bien que nous avons voulu lui faire.

S. Dumon.