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l’usage du sud, aux femmes et aux enfans de grandes familles, les chasseurs ramenèrent au camp deux mille chameaux, quatre-vingt mille têtes de bétail, un butin immense et un grand nombre de prisonniers.

Pendant que l’on nous racontait cette razzia ou plutôt ce coup de main renommé à juste titre dans la province d’Alger, nous étions arrivés au nouveau poste. Teniet-el-Had (col du Dimanche), ainsi nommé d’un marché arabe qui s’y tient ce jour-là, était occupé depuis le mois de mai seulement par nos troupes. Aucun bâtiment n’avait encore été construit, et un simple fossé en terre protégeait les soldats, campés sous les grandes tentes de l’administration militaire ; mais l’air était sain, le moral excellent : aussi y avait-il peu de malades aux ambulances. Par les soins du général, qui l’avant-veille avait envoyé un courrier porteur de cet ordre, notre colonne trouva en arrivant du pain frais cuit dans des fours en terre et en branchages construits en quelques heures. On ne s’arrêta que le temps nécessaire pour prendre les vivres, compléter les cartouches et verser le troupeau de prise à l’administration[1]. Le général avait hâte de regagner les montagnes. Le 25 donc, toutes ces opérations étant terminées, nous reprîmes la route de l’Ouar-Senis ; mais la leçon donnée à une partie des tribus avait profité aux autres, car un grand nombre vinrent se soumettre, et nous aurions reçu toutes les soumissions, si le manque de vivres ne nous avait pas forcés, le 7 juin, de retourner à Milianah. Ce ne fut qu’une halte de quelques jours ; le 15, deux colonnes repartaient pour achever l’œuvre commencée.


II

Les soumissions arrivaient de toutes parts. Le général Changarnier parcourait maintenant en ami, accompagné des chefs des tribus, ces terrains ou, il y avait un an à peine, il fallait toute son habileté courageuse et le dévouement de ses soldats pour échapper au plus grand péril qu’une colonne ait jamais couru en Afrique, lorsque toutes ces populations se ruaient sur un millier d’hommes dans les gorges affreuses de l’Oued-Foddha. Le hasard nous amenait sur le théâtre de la terrible lutte avec une partie des troupes qui avaient combattu dans ces deux journées, et nous donnons ici, au lieu du récit monotone de

  1. L’opération assez amusante du comptage se passe de la sorte : deux rangs de soldats sont placés, formant les deux côtés d’un triangle. Au sommet, les deux derniers hommes tiennent une baguette de fusil, et les moutons, poussés dans cette gorge, une fois arrivés à l’extrémité, sont bien forcés de faire la cabriole. À chaque saut de mouton, un homme les compte, et l’on arrive ainsi à savoir facilement le nombre de moutons livrés.