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de travaux publics, à toute idée d’un ensemble de routes nationales et de canaux exécutés aux frais de l’Union. Quelles que puissent être les convictions intérieures, les opinions individuelles sur les avantages ou les inconvéniens d’une banque fédérale, il n’est aucun whig qui songe à demander jamais le rétablissement de la banque des États-Unis. Sur la question de la banque, comme sur celle des améliorations intérieures, tout le monde accepte l’arrêt porté par le suffrage universel. On peut donc dire que toutes les grandes questions qui divisaient, il y a vingt ans, les partis, sont aujourd’hui à peu près complètement résolues. Les partis n’ont point désarmé ; mais, quand on étudie leurs déclarations et leurs manifestes, on a peine à découvrir les points sur lesquels ils diffèrent. Aussi il ne manque pas de censeurs pour dire que la vraie différence entre les partis, c’est celle qui existe entre les ins et les outs, c’est-à-dire entre les gens qui occupent les places et ceux qui veulent les occuper.

Ce jugement sévère n’est malheureusement pas dénué de vérité. Il faut, en effet, envisager les partis américains dans leur vie de chaque jour, et non pas seulement aux époques solennelles où ils se disputent la première magistrature du pays, et font donner chacun à leur candidat des millions de suffrages. À ces momens, les partis présentent l’imposant spectacle d’une armée immense d’électeurs votant avec un ordre et une discipline admirables, et acceptant avec le même calme, sinon avec la même joie, la victoire ou la défaite. Mais l’élection présidentielle, qui ne revient que tous les quatre ans, et les quelques milliers de places dont dispose le chef du pouvoir exécutif, ne suffiraient pas à tenir les partis en haleine, et on verrait ceux-ci tomber dans l’apathie et se dissoudre, si les ambitions individuelles ne trouvaient ailleurs un perpétuel aliment. Les efforts d’un whig ou d’un démocrate ne tendent pas seulement à faire arriver tel ou tel candidat à la présidence ou à un siège dans le congrès, mais à faire prévaloir des hommes de son opinion dans son état, dans son comté, dans sa commune. La lutte entre les partis prend donc mille formes, et se reproduit à tous les degrés de l’échelle territoriale avec des chances multipliées. On peut être vaincu dans la lutte générale et vainqueur dans son propre état ; vaincu dans son état, on peut être vainqueur dans sa commune. On se fait donc whig ou démocrate, non pas pour être président ou sénateur, mais quelquefois pour être élu inspecteur de police ou agent-voyer de son district. Les ambitions de tout ordre ont ainsi toujours à leur portée une récompense appropriée à leurs services et à leur importance. Si les grands talens et les grandes influences aspirent aux ministères, aux emplois importans, aux missions diplomatiques, les notabilités secondaires convoitent les magistratures principales de leur état, et les charges municipales suffisent à animer le zèle