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Si, parmi les questions du jour ou plutôt du siècle, il en est une qui résume et concentre comme dans un foyer toutes les anomalies, toutes les contradictions, toutes les impossibilités contre lesquelles se débat l’Europe occidentale, c’est assurément la question romaine. Et il n’en pouvait être autrement, grace à cette inexorable logique que Dieu a mise, comme une justice cachée, dans les événemens de ce monde. La profonde et irréconciliable scission qui travaille depuis des siècles l’Occident devait trouver enfin son expression suprême, elle devait pénétrer jusqu’à la racine de l’arbre. Or, c’est un titre de gloire que personne ne contestera à Rome : elle est encore de nos jours, comme elle l’a toujours été, la racine du monde occidental. Il est douteux toutefois, malgré les vives préoccupations que cette question suscite, qu’on se soit rendu un compte exact de tout ce qu’elle contient.

Ce qui contribue probablement à donner le change sur la nature et sur la portée de la question telle qu’elle vient de se poser, c’est d’abord la fausse analogie de ce que nous avons vu arriver à Rome avec certains antécédens de ses révolutions antérieures ; c’est aussi la solidarité très réelle qui rattache le mouvement actuel de Rome au mouvement général de la révolution européenne. Toutes ces circonstances accessoires, qui paraissent expliquer au premier abord la question romaine, ne servent en réalité qu’à en dissimuler la profondeur. Non, certes, ce n’est pas là une question comme une autre, car non-seulement elle touche à tout dans l’Occident, mais on peut même dire qu’elle le déborde.

On ne serait assurément pas accusé de soutenir un paradoxe ou d’avancer une calomnie en affirmant qu’à l’heure qu’il est tout ce qui reste encore de christianisme positif à l’Occident se rattache, soit explicitement, soit par des affinités plus ou moins avouées, au catholicisme romain, dont la papauté, telle que les siècles l’ont faite, est évidemment la clé de voûte et la condition d’existence. Le protestantisme avec ses nombreuses ramifications, après avoir fourni à peine une carrière de trois siècles, se meurt de décrépitude dans tous les pays où il avait régné jusqu’à présent, l’Angleterre seule exceptée ; ou, s’il recèle encore quelques élémens de vie, ces élémens aspirent à rejoindre Rome Quant aux doctrines religieuses qui se produisent en dehors de toute communauté avec l’un ou l’autre de ces symboles, ce ne sont évidemment que des opinions individuelles. En un mot, la papauté, telle est la colonne qui soutient tant bien que mal, en Occident, tout ce pan de l’édifice chrétien, resté debout après la grande ruine du XVIe siècle et les écroulemens successifs qui ont eu lieu depuis.

Maintenant c’est cette colonne que l’on se dispose à attaquer par sa base. Nous connaissons fort bien toutes les banalités, tant de la presse quotidienne que du langage officiel de certains gouvernemens, dont