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propres à la race anglo-saxonne que sur les finances, sur les habitudes de taverne et les bavardages de place publique que sur les bills votés dans la dernière session. Il vous apprendra combien la partie mécanique d’une nation, combien ses lois, ses institutions, ses constitutions et même ses idées mentent affreusement, et combien au contraire les habitudes, les mœurs, les conversations expriment mieux la vie réelle. Si on ne voit pas derrière les récits d’Halliburton un système armé de toutes pièces, on y sent un très sincère observateur, des tendances de son siècle ; on sent un philosophe, sinon un métaphysicien. Il ne commente pas ses observations, mais dans son livre le plus remarquable, the Clockmaker toutes ses observations portent coup. Ce n’est pas la nature humaine, à proprement parler, qu’il étudie, mais le costume qu’elle a revêtu en Amérique et le langage ; l’idiome particulier dans lequel l’humanité s’y exprime. Bien qu’il ne s’explique pas sur l’unité future du monde américain, on la voit se former par détails, par places, dans ces immenses wagons qui entraînent après eux des populations entières, dans ces steamers où trouvent mêlées toutes les conditions sociales. Bien qu’il n’ait pas de système sur la fusion des races et qu’il n’entre à cet égard dans aucun détail physiologique ou philologique, on voit aussi cette fusion s’accomplir dans la grande mêlée des peuples qu’Halliburton nous décrit, dans ce rendez-vous où aucune race ne manque, où l’Européen vient retremper son caractère et où le nègre coudoie l’Anglo-Saxon. C’est par là que l’observation d’Halliburton a véritablement un caractère historique. Sam Slick n’est pas seulement un personnage comique, une sorte de Gil Blas américain ; c’est un historien facétieux et un chroniqueur bouffon.

Halliburton est un Anglais des colonies de l’Amérique septentrionale, il paraît avoir passé la plus grande partie de sa vie dans la Nouvelle-Écosse, bien qu’il parle de l’Angleterre en homme très renseigné et qui ne tient pas ses renseignemens de seconde main. La plupart des fragmens qui composent son dernier ouvrage, the Old Judge ont déjà paru dans le Fraser’s Magazine en 1847. Bien qu’il soit Anglais d’origine, il n’a pas trouvé sous sa plume, pour juger les Américains, les expressions malveillantes et les railleries peu charitables que les écrivains anglais ont dirigées contre eux. Il est exempt de préjugés à leur égard. Il ne les aime ni ne les déteste ; il constate leur obstination, leur persévérance, leur infatigable activité, leur âpreté au gain, leur manie vantarde, leur brutalité, enfin leur mélange d’excellentes et de détestables qualités. Quant à la Nouvelle-Écosse et aux colonies, le respect qu’il a pour sa grande patrie, l’Angleterre, ne va pas jusqu’à lui faire oublier les lieux plus humbles où il a vécu. Il aime ses compatriotes les nez bleus (blue noses, — surnom des habitans de la Nouvelle-Écosse),