Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étrangers n’étaient venus assurer par leur présence la tranquillité de la ville. L’arrivée du général Vidal, qui prit le commandement de ces bandes et essaya de les organiser, sembla promettre un peu de calme. En vain le colonel Solar, s’en reposant sur la discipline supérieure de ses soldats, tenta de surprendre Lima : la haine qu’avait inspirée le gouvernement de Salaberry était telle que la population tout entière s’arma, et Solar, honteusement repoussé, fut obligé de se renfermer de nouveau dans sa forteresse. Enfin, le général Orbegoso lui-même revint à Lima, où il fit son entrée le 9 janvier 1836. Son premier soin fut de mettre le Siège devant la citadelle du Callao, qui capitula presque immédiatement à des conditions honorables. La famille de Salaberry se retira sur la frégate française la Flore, d’où elle se rendit au Chili.

De ce jour, les affaires de Salaberry déclinèrent rapidement. Le général Pardorela, qui commandait pour lui un corps de cinq cents hommes dans le département de la Libertad, abandonna sa cause. Cependant les forces que Salaberry avait amenées de Lima étaient encore intactes, et, bien qu’inférieures en nombre, il comptait sur elles ; lui-même il recherchait un combat comme son unique chance de salut. L’action s’engagea entre ses troupes et celles de Santa-Cruz près du petit village de Socobaya, à quelques lieues d’Aréquipa. Salaberry fut complètement défait. Tombé au pouvoir de son ennemi, il fut condamné à mort avec huit de ses principaux officiers et fusillé. La flotte elle-même, à cette nouvelle, ne tarda pas à faire sa soumission.

Ainsi finit la révolution qui, le 23 février, avait renversé à Lima le gouvernement d’Orbegoso, et, dans l’espace de moins d’un an, causé tant de mal au Pérou. De toutes celles qui s’y sont faites, elle a été une des plus désastreuses comme des plus coupables. Et cependant depuis quelques années, c’est-à-dire depuis la chute de Santa-Cruz et l’extinction complète de son parti, on a cherché à grandir la mémoire de Salaberry ; on a voulu faire de ce hardi conspirateur comme le héros en même temps que le martyr de l’indépendance péruvienne, un instant opprimée par les Boliviens. Il y avait là deux sentimens distincts : l’un, d’amour-propre national blessé, et certes bien facile à comprendre après les défaites de Yanacocha et de Socobaya ; l’autre n’est qu’un sentiment de parti, de réaction, si je puis dire, contre Santa-Cruz et les hommes qui l’avaient appelé ou servi, réaction d’autant plus forte, d’autant plus vive que, même après la chute du protecteur, la lutte s’est prolongée entre ces derniers et les restaurateurs, qui arrivèrent au pouvoir avec Gamarra. Toutefois, pour juger Salaberry, ce n’est à aucun de ces deux points de vue que se placera l’histoire. Quelque courage personnel qu’il ait montré, de quelque énergie qu’il ait fait preuve pendant la lutte contre les Boliviens, on ne saurait voir en lui qu’un