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ambitieux coupable qui, pour saisir le pouvoir, n’a pas craint de se soulever contre son chef légal, contre son bienfaiteur et son ami, de jeter enfin son pays dans la guerre civile et les révolutions dont il se remettait à peine. Le sang du malheureux général Valle-Riestra, que des troupes corrompues lui avaient livré, restera d’ailleurs sur son nom comme une tache ineffaçable.


III

La victoire de Socobaya termine une première période de l’histoire du Pérou, celle où des intrigues militaires toujours incessantes ôtent toute efficacité, toute autorité à l’action du pouvoir. Cette victoire ne ferme pas l’ère des révolutions ; mais en livrant le gouvernement du Pérou à des mains plus fermes, elle permet déjà de tenter quelques efforts pour consolider l’édifice chancelant de ses institutions. La présidence du général Santa-Cruz est d’ailleurs marquée par des guerres extérieures avec les républiques voisines plutôt que par des luttes civiles. C’est un progrès.

Au lendemain de la bataille de Socobaya, Santa-Cruz était maître de la situation. L’assemblée de Sicuani, qui n’avait pu se réunir l’année précédente à cause de la guerre, fut aussitôt convoquée pour le 16 mars 1836. Le premier acte de cette assemblée fut de proclamer l’érection des départemens de Moquégua, d’Aréquipa, Puno, le Cusco et Ayacucho en état indépendant, sous le nom d’état sud-péruvien. La nouvelle république devait s’unir au Pérou septentrional et à la Bolivie par un lieu fédératif, et remettait l’autorité supérieure entre les mains du général Santa-Cruz, nommé protecteur.

Fatigués des révoltes militaires dont Lima était sans cesse le théâtre, les départemens du sud, en se détachant du Pérou septentrional, cherchaient un repos dont ils avaient surtout besoin, et qu’ils espéraient trouver dans une administration distincte. La ville du Cusco fut choisie pour être le siège du gouvernement. Capitale de l’ancien empire du Pérou sous les Incas, elle était habitée presque entièrement par les fils des Indiens. En plaçant leur ville à la tête d’un état indépendant, on flattait leur amour-propre. Il leur semblait retrouver par là quelque chose de son glorieux passé, et l’idée d’un nouvel empire indien vint de nouveau se mêler à leurs rêves.

En Bolivie, l’érection de la république sud-péruvienne ne fut pas accueillie moins favorablement. En effet, le pacte qui unissait cette république à la Bolivie, en assurant à celle-ci les ports dont elle avait besoin sur l’Océan, devait doubler son commerce et la valeur de tous ses produits. C’était d’ailleurs son propre président qui allait se trouver