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deux chambres ont été créées, toutes deux émanant du suffrage universel, l’une représentant le principe de l’union fédérale, l’autre consacrée plus spécialement aux intérêts des localités. Chacune des deux branches du pouvoir législatif tient l’autre en respect, non en échec ; chacune a ses pouvoirs limités, sa circonscription déterminée ; hors de ces limites, ni l’une ni l’autre ne peuvent agir. On n’a pas eu l’étrange idée de faire une chambre toute-puissante, ni de concentrer les pouvoirs dans une assemblée qui est toujours le plus tyrannique des tyrans. Une des chambres dépasse-t-elle les bornes qui lui sont assignées, la suprême cour de justice casse le décret ou la loi ainsi rendus. La dualité des chambres américaines a été la plus puissante sauvegarde de l’Union contre les périls qu’elle a courus ; elle l’a empêchée de faire des lois à l’étourdie, c’est-à-dire de décréditer le caractère sacré de la loi par l’entraînement, la violence et la passion. Ce qui est encore extrêmement remarquable, c’est que, tout en privant le chef du pouvoir exécutif du titre de roi, de la durée dans le pouvoir et de l’hérédité, on a eu soin de compenser par le pouvoir réel qu’on donne au président la faiblesse relative de sa situation. Le veto du président, ce droit d’annulation contre lequel on s’est violemment récrié au commencement de la révolution française, suffit à repousser toute espèce de bill des deux chambres, à moins, chose fort rare ou plutôt impossible, que les deux tiers de l’une d’elles ne prennent parti contre le président. Le pouvoir exécutif se trouve ainsi incarné au pouvoir législatif ; on voit avec quelle sagesse les Américains, n’ayant pas à disposer des élémens stables de la monarchie constitutionnelle anglaise, ont remplacé par l’énergie de l’action la durée qui leur manquait. Il ne se passe guère de session où le président n’use hardiment de ce droit, et personne ne s’en étonne ; les Américains sont beaux joueurs ; habitués, et de race, aux coups de dés politiques, ils ne s’étonnent ni que l’on gagne, ni que l’on perde, pourvu que les choses se passent selon les règles et loyalement.

La chambre basse procède de l’élection directe, la chambre haute de l’élection à deux degrés. La chambre des représentans se renouvelle tous les deux ans ; elle se compose maintenant de deux cent trente membres environ ; tous les dix ans, après le recensement, on élargit la base de la représentation. Les membres du sénat sont choisis par les législatures respectives des différens états. Chacun d’eux envoie deux députés au sénat, précisément comme en 1642, lorsque la ligue des provinces se forma sous la monarchie. Ce mécanisme politique ayant ses racines dans le passé et correspondant aux variétés de races, d’idées et de mœurs qui distinguaient autrefois l’une de l’autre les anciennes colonies est facile à saisir. La chambre basse représente la nation et les individus qui la composent ; la chambre haute représente chacun des états considéré comme individu particulier.