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bonheur d’expression qui lui a rarement manqué, il faut le reconnaître, dans toutes les occasions analogues. Il était difficile de manifester plus nettement l’intention de rattacher l’institution existante à celle qui l’avait précédée, et de combler, autant que possible, l’abîme qui sépare 1846 de 1850. « Il y a quatre ans, époque de votre dernière réunion, a-t-il dit, vous jouissiez d’une sécurité complète qui vous donnait le temps d’étudier à loisir les améliorations destinées à faciliter le jeu régulier des institutions. Aujourd’hui, la tâche est plus difficile ; un bouleversement imprévu, a fait trembler le sol sous vos pas ; tout a été remis en question. Il faut, d’un côté, raffermir les choses ébranlées ; de l’autre, adopter avec résolution les mesures propres à venir en aide aux intérêts en souffrance. » De semblables paroles ne peuvent que faire honneur à ceux qui les prononcent ; notre malheureux pays doit y trouver une consolation et une espérance. Quand on commence à rendre justice au passé, l’avenir paraît moins obscur et moins sombre, et cette justice est d’autant plus éclatante qu’elle émane de pouvoirs nouveaux qui ont succédé aux pouvoirs renversés.

« Hâtons-nous, a dit en finissant le président, le temps presse : que la marche des mauvaises passions ne devance pas la nôtre ! » Triste et noble appel qui a retenti dans tous les cœurs et y a réveillé des sympathies unanimes. Qui sait ce que Dieu décidera de ce pays livré, par sa faute sans doute, à tous les orages, mais qui a déjà tant expié une erreur d’un montent ? Qui sait si la marche des mauvaises passions, rapide et dévorante comme celle du feu, ne devancera pas, en effet, celle des efforts réparateurs ? Restera toujours, pour ceux qui auront essayé d’arrêter le torrent mortel, le sentiment d’un devoir accompli. Une douloureuse et profonde émotion dominait l’assemblée tout entière, quand elle s’est trouvée pour la première fois dans cette salle resplendissante encore des magnificences d’un autre temps, et où se sont tenues, au milieu du tumulte de février, les plus désastreuses assises de la, perturbation sociale. Le président de la république, représentant d’une aspiration à peu près unanime du pays vers le retour de l’ordre et de l’autorité, venait s’asseoir à la même place où s’était assis deux ans auparavant M. Louis Blanc, succédant lui-même, à quelques jours de distance, au chancelier de France, président de la chambre des pairs, et dans la salle même, les sièges de velours de la pairie, envahis un moment par un sénat sans nom, étaient occupés de nouveau par les organes réguliers du travail intelligent ; quel sera le dernier terme de cette succession de contrastes et de révolutions ?

Le lendemain, 8 avril, le conseil général s’est constitué ; la présidence avait été dévolue, par le décret de convocation, à M. le ministre de l’agriculture et du commerce, qui l’a exercée, du reste, avec une grande assiduité ; ont été nommés vice-présidens, pour les assemblées