Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/1133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’article 111, qui traite de la révision de la constitution ? Il dit que l’assemblée déclare si la constitution doit être révisée en tout ou en partie. C’est là une grande et solennelle délibération : la constitution sera-t-elle condamnée intégralement et absolument, ou bien ne sera-t-elle réprouvée que partiellement ? Voilà ce qui ne peut être décidé qu’aux trois quarts des suffrages exprimés. Supposons, par exemple, que l’assemblée législative voulût, dans un an, faire table rase de toutes les institutions de 1848 : elle ne pourra le faire qu’avec les trois quarts des suffrages exprimés. Supposons, au contraire, qu’elle veuille seulement que la constitution soit rejetée dans quelques-unes de ses parties, sans exprimer encore à ce moment quelles parties de la constitution elle entend soumettre à la révision : elle ne pourra encore prononcer cette condamnation partielle de la constitution qu’aux trois quarts des suffrages exprimés. La constitution ne peut être atteinte par une déclaration de révision totale ou partielle qu’avec les trois quarts des suffrages. Voilà le sens de l’article 111. — Vous ne toucherez, dit-il, à la constitution, même partiellement, que si les trois quarts de l’assemblée sont d’accord pour le faire. Nous acceptons ce sens mais quand l’assemblée viendra à décider quelles sont les instructions qu’elle devra donner à l’assemblée de révision, car elle ne peut donner que des instructions, l’assemblée sera-t-elle tenue, pour rédiger ces instructions, de suivre les formes de l’art. 111 ? Faudra- t-il que chaque phrase des instructions soit votée aux trois quarts des suffrages exprimés ? S’il en était ainsi, la constitution serait éternelle, ou serait violée. La révision légale serait impossible.

Résumons-nous sur ce point : les conseils-généraux ont déclaré que la constitution devait être révisée ; mais leur déclaration ne suffit pas pour frapper de révision la constitution. Il faut que l’assemblée législative s’associe à cette déclaration, et elle ne peut s’y associer qu’aux trois quarts des suffrages exprimés. D’autre part, c’est à l’assemblée aussi qu’il appartient de prononcer, aux trois-quarts des suffrages exprimés, si la constitution sera révisée intégralement ou partiellement, rejetée ou corrigée ; mais on ne peut pas prétendre qu’il faille encore les trois quarts des suffrages pour rédiger les instructions que l’assemblée législative, selon l’article 111, est supposée donner à l’assemblée de révision. Nous soutenons en effet que l’assemblée législative ne put donner que des instructions à l’assemblée de révision, et qu’elle ne peut pas déterminer d’une manière précise les articles de la constitution qui seront révisés. Qu’on y réfléchisse, si l’assemblée législative déterminait les articles qui seront révisés, ou bien elle déterminerait dans ses délibérations le sens dans lequel ces articles seraient modifiés, et alors c’est elle qui ferait elle-même la révision, alors l’assemblée de révision n’aurait plus qu’à enregistrer les décisions de l’assemblée législative, alors la révision ne serait qu’une pure formalité ; — ou bien l’assemblée de révision casserait les décisions de l’assemblée législative, et ce serait une lutte qui aboutirait à une nouvelle révolution. Si donc article 111 a un sens raisonnable, l’assemblée législative peut, selon la lettre de cet article ; prononcer seulement qu’il y a lieu de modifier la constitution intégralement ou partiellement, et elle ne peut prononcer cela qu’avec les trois quarts des suffrages ; mais, cela fait l’assemblée peut rédiger des instructions pour l’assemblée de révision. Ces instructions seront délibérées selon la forme ordinaire et à la simple majorité.