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Nous ne disons pas que toute cette procédure de la révision, telle que l’a établit l’article 111 de la constitution, soit bien simple et bien raisonnable ; nous dirions même volontiers que l’article 111 a eu plusieurs intentions à la fois, quelques-unes fort bonnes, et que c’est pour cela qu’il s’égare et s’embarrasse entre ses diverses intentions. Ainsi il a eu l’intention de rendre la révision difficile, et c’est pour cela qu’il exige les trois quarts des voix ; il a eu l’intention que l’assemblée de révision ne s’érigeât pas en convention souveraine, et c’est pour cela qu’il a voulu enfermer cette assemblée dans un cercle déterminé d’avance par l’assemblée législative : mais quoi ! il a là une difficulté que tous les expédiens de la plus habile procédure ne parviendront pas à résoudre. Ceux qui déclarent qu’il y a lieu de réviser doivent être ceux-là mêmes qui font la révision ; sans cela, la révision est une opération illusoire ou contradictoire. Faire déclarer le cas de révision par ceux-ci et faire faire la révision par ceux-là, c’est créer des embarras et des luttes ; c’est marcher à l’anarchie. On dirait que les auteurs de la constitution ont voulu ici créer un jury d’accusation et un jury de décision, comme dans la procédure criminelle qu’avait proposée un instant l’assemblée constituante de 89. Mauvais procédé, même dans les procès criminels ; impraticable et dangereux quand il s’agit de réviser une constitution. Allons à ce qui est simple vous voulez que la constitution soit révisée ; pourquoi ? parce que, vous trouvez qu’il y a dans la constitution tels ou tels défauts contenus dans tels ou tels articles. Eh bien ! quand vous avez, par ces motifs, déclaré que ces articles seront révisés, vous avez fait vous-mêmes la révision. Si vous la laissez faire à d’autres, ils la feront contre vous, de telle sorte qu’à suivre l’article 111, comme le voudraient quelques personnes, la constitution serait déclarée révisable dans un sens, et qu’elle serait révisée dans un autre sens. Aussi n’hésitons-nous pas à dire que, si le pays a le moins du monde le sens politique, il nommera dans l’assemblée de révision les membres même de l’assemblée législative, afin qu’il n’y ait qu’une seule assemblée sous deux noms, et que ceux qui ont déclaré qu’il y avait lieu de réviser la constitution soient ceux-là mêmes qui la révisent.

Les conseils-généraux ne se sont pas occupés de toutes les difficultés de la révision, et ils ont déclaré seulement qu’il y avait lieu de réviser. Quelques personnes ont trouvé à ce sujet que les conseils-généraux en prenaient trop à leur aise, et que c’était bien peu faire que de dire simplement, comme le dit tout le pays, qu’il y a lieu de réviser la constitution, c’est-à-dire qu’il y a quelque chose à faire et à défaire. En parlant ainsi, les conseils-généraux ont abondé dans l’évidence, ce qui n’est jamais difficile et ce qui n’est pas non plus bien utile. Nous ne sommes pas de l’avis de ceux qui critiquent de ce côté la déclaration des conseils généraux. D’abord il en est quelques-uns qui ont abordé résolument la difficulté, et qui ont déclaré franchement que l’assemblée qui prononcerait le cas de révision devrait être aussi celle qui déciderait le sens de la révision. Les autres, en plus grand nombre, s’en sont tenus à la révision légale et compliquée de l’article 111 ; mais, quoiqu’on prétende qu’en demandant révision la révision sans la régler, les conseils-géneraux aient abondé dans l’évidence, et qu’ils aient imité l’éloquence d’un personnage excellent et bien connu qui, selon l’observation d’un de nos plus fins et de nos plus piquans écrivains, a dernièrement animé des accens de sa parole incontestée les séances