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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE EN PERSE.


matique, il est assez étrange que le duel de ces animaux se soit perpétué et que, transporté de la sculpture dans la réalité, il soit devenu l’un des spectacles favoris des Persans. Ainsi, dans leurs fêtes, dans les grandes réjouissances publiques où figurent des bateleurs et des athlètes, on amène au milieu du cirque un jeune taureau, on l’effarouche, on l’excite ; puis, quand il commence à entrer en fureur, on lance sur lui un lion. Le lion est un des emblèmes de la monarchie persane, et figure dans les attributs de la royauté comme représentant la force et la noblesse. On conçoit que les Persans, d’ailleurs fort superstitieux en fait de présages, ne souffrent pas que le représentant symbolique de leur empire soit vaincu par le taureau ; si le lion ne déchirait pas et ne terrassait pas complètement le malheureux taureau prédestiné à lui servir de pâture, ils y verraient un très fâcheux augure pour leur pays. Aussi, afin de ne rien avoir à redouter, afin de se rendre l’augure favorable, ils agissent toujours de ruse, et ils profitent pour lâcher le lion d’un moment où sa proie a le dos tourné et reste immobile. En quelques bonds, le lion s’est élancé sur l’encolure ou sur la croupe du taureau et l’a abattu. Si, au contraire et par malheur, il manque son coup, se rebute et n’a pas une faim qui le pousse à braver les redoutables cornes du taureau, alors on retient celui-ci jusqu’à ce que, misérable victime sacrifiée à la superstition, il tombe sous les griffes du lion ; ou même sous le poignard de son maître.

Les portions de murs comprises entre les cadres triangulaires des escaliers et les rampes sont ornées de sculptures dont la série n’est interrompue que par trois tablettes préparées pour recevoir des inscriptions. Une seule de ces tablettes est gravée, et il me paraît hors de doute que, si l’inscription qu’elle porte ne se trouve pas répétée sur les autres, c’est que les monumens de Persépolis ont été surpris par la destruction avant leur entier achèvement. Sur le mur du perron central, de chaque côté de la tablette non remplie, mais destinée à une inscription, quatre figures de grandes dimensions semblent représenter des gardes. Vêtus d’une tunique longue, serrée sur les reins, formant plusieurs plis réguliers, avec de larges manches, ces guerriers sont coiffés d’une espèce de tiare un peu évasée du haut et côtelée ; ils tiennent une lance devant eux des deux mains, un bouclier est attaché sur leur hanche. Cette partie du mur était complètement renversée, et elle était restée inconnue jusqu’à notre visite à Persépolis, Nous avons réussi les premiers à en relever les énormes blocs.

À droite comme à gauche de ce perron, le mur s’étendait, sur une longueur de seize mètres, jusqu’aux rampes extrêmes ; il était divisé, sur sa hauteur, en trois champs dans lesquels étaient rangés processionnellement des personnages et des animaux marchant vers le centre. La différence est très sensible entre les sujets du mur de droite