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comme la Providence n’a pas voulu que la France n’eût qu’une chance, et que, si le sort rayait cette chance du nombre des chances présentes, nous fussions forcés de mettre à la loterie et de nommer quelque illustre premier venu ; comme il y a dans les familles qui ont gouverné le pays d’autres en-cas qui peuvent, en certains jours et en certains momens, servir puissamment au maintien de l’ordre social, nous regarderions, pour notre part, comme une faute et comme un blasphème toute réflexion et toute parole qui tendraient à affaiblir le respect que nous devons à ces secours que le passé garde pour l’avenir. Nous sommes persuadés que nous devons tous nous employer à grandir dans le présent et dans l’avenir tous ceux qui peuvent aider la France à rester une société. Nous savons bien qu’en parlant ainsi et en substituant la doctrine de l’utilité sociale à la doctrine du droit légitime, nous contrarions beaucoup d’honorables opinions ; ce qui nous rassure cependant, c’est que nous raisonnons comme la société agit depuis deux ans. C’est l’utilité sociale que le grand parti conservateur a eue en vue, et c’est cette doctrine, nous en sommes persuadés, qui règlera l’avenir ; mais cette doctrine de l’utilité sociale, loin qu’elle soit opposée à la destinée des princes français, s’appuie au contraire sur eux. Nous ne voulons pas, nous l’avons dit plus haut, sacrifier le présent à l’avenir ; mais nous ne voudrions pas davantage sacrifier l’avenir au présent.

Les idées que nous venons d’exprimer sont évidemment le fond des opinions de la majorité, et elles en ont rendu le bon accord possible. Nous ne voyons pas pourquoi elles ne feraient pas encore le même effet. Elles n’ont pas cessé d’être opportunes, à moins que la majorité ne se soit tout à coup, du jour au lendemain, changée en un parti d’hommes impatiens du dénoûment. Dans l’art dramatique, les gens qui sont impatiens de voir les dénoûmens sont de fort mauvais juges, parce qu’au lieu de chercher comment va la pièce, ils demandent toujours comment elle finira. En politique, ces impatiens ne valent guère mieux.

Nous n’avons qu’un mot à dire sur quelques-unes des dernières discussions de l’assemblée et sur la tâche qu’on fait au président. M. Dupin est un admirable orateur, un savant jurisconsulte, un interlocuteur plein d’esprit et de vivacité, un président d’une rare justesse de jugement ; mais il n’est et il n’est pas forcé d’être un stentor et un Milon de Crotone. Pourquoi donc veut-on lui en faire faire le métier ? Il n’y aura plus, en effet, que des stentors et des Milon de Crotone qui puissent présider l’assemblée, si la montagne continue à faire tous les jours la formidable insurrection de poumons que nous lui voyons faire.

Le différend que nous avions avec lord Palmerston et non pas avec l’Angleterre est fini. Le ministère français a conduit cette affaire avec beaucoup de fermeté et de tact, et nous l’en félicitons. Il a attendu que la chambre des pairs eût censuré lord Palmerston par un des votes les plus solennels qui aient eu. lieu depuis long-temps dans le parlement britannique, et quand cette sentence a été rendue, qui était pour la France la plus honorable satisfaction qu’elle pût désirer, alors le cabinet français n’a plus hésité à accepter l’arrangement proposé. Cet arrangement d’ailleurs était conforme à nos premières demandes c’était d’en revenir pour l’arrangement de la question grecque au traité de Londres, c’est-à-dire à la transaction équitable et modérée que la France avait