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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/362

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des whigs ambitieux couvés dans la serre chaude du National… » Que fait le peuple-roi ? Il s’enivre des paroles dorées de Lamartine ; il plante des arbres de la liberté et fait allumer des lampions… Si des voix sages s’élèvent pour parler au nom de l’unité ou de la tradition, elles sont bientôt couvertes par les vociférations des sectaires. Les théories les plus contraires à l’esprit national, les sophismes les plus monstrueux, les projets les plus impossibles trouvent des apôtres et des disciples. » — Ces derniers mots, si nous ne nous trompons, doivent être à l’adresse de M. Louis Blanc, ce qui prouve que la montagne de Londres a elle-même ses divisions.

Ainsi la première erreur du peuple fut la nomination du gouvernement provisoire ; nous ne demandons pas mieux que de le croire. La seconde fut l’élection de l’assemblée constituante. « Les prolétaires trompés vont prendre leurs mandataires parmi les ennemis secrets ou déclarés de l’égalité ; sur 900 membres accourus de tous les points de la France, le parti républicain ne compte pas 100 représentans ! »

Quoi ! dans l’assemblée constituante, il n’y avait pas 100 républicains, et c’est cette assemblée qui a proclamé avec tant d’ardeur la république ! Ce qui nous étonne, c’est qu’en constatant qu’il n’y avait pas plus de 100 républicains dans l’assemblée, M. Delescluze ne se demande pas pourquoi cela ? Il parle bien de l’erreur des prolétaires ; mais qui sait ? peut-être les prolétaires ont-ils pris ce jour-là tout ce qu’il y avait de républicains en France. Cette explication en vaut bien un autre.

Voilà deux fois déjà que le peuple a agi, 1° dans la nomination du gouvernement provisoire, 2° dans l’élection de l’assemblée constituante, et deux fois déjà, selon le Proscrit, il s’est trompé. C’est à décourager de l’employer. Cependant, quand vint l’élection de l’assemblée législative, le peuple agit mieux, et en voici le témoignage. « Le suffrage universel, dit M. Delescluze, faisait peu à peu son éducation ; il s’était montré impitoyable pour les républicains de la forme, sans merci pour ces ambitions vulgaires qui avaient si honteusement déserté le devoir pour les vaines satisfactions de l’orgueil ou de la cupidité. » Ces phrases ont leur adresse évidemment, et ce n’est pas un des signes les moins caractéristiques de l’esprit réfugié ou émigré que nous étudions en ce moment, que cette implacable rancune de la montagne de Londres. La montagne de Londres ne pardonne pas. Elle rejette sans pitié tous ceux qui, dans le parti démocratique, semblent aujourd’hui revenir à la démagogie après l’avoir répudiée pendant quelque temps. « Pouvons-nous oublier, dit le Proscrit (et nous ne citons les noms qu’on va lire que parce que ce qui fait leur crime aux yeux des montagnards de Londres fait leur honneur aux nôtres), pouvons-nous oublier qu’aujourd’hui les Pascal Duprat, les Ducoux et tant d’autres, qui alors se faisaient si hardiment les porte-bannières et les pourvoyeurs de la réaction, se glissent pas à pas dans les rangs démocratiques, que Cavaignac lui-même est accepté par certains journaux comme l’espoir de la république ? »

Le Proscrit n’est pas seulement le journal de l’émigration démagogique française ; c’est le journal de la république européenne réfugiée à Londres et concentrée pour le moment en quelques hommes, jusqu’à ce qu’elle s’établisse