dans sa morale, dans ses dogmes, dans ses interprétations de la vie humaine et ses conséquences sociales. Cela ressort de ses applications aussi bien que de cet étrange corps de doctrines historiques et philosophiques rédigé au nom de la pensée révolutionnaire par une légion de sophistes. Cela ressort des alliances qu’elle contracte, des momens de l’histoire qu’elle remet en honneur, des tendances qu’elle réhabilite, des élémens qu’elle rajeunit à partir du paganisme lui-même auquel se rattache le premier anneau de cet enchaînement de négations. M. Louis Blanc a tracé de curieuses filiations de la révolution française au point de vue socialiste, et il n’était que dans le vrai en lui assignant de lointaines origines. Partout, en effet, où éclate une révolte, un démembrement, une scission qui porte atteinte à l’essence de la pensée chrétienne, là se trouve une tradition reconnue et avouée du socialisme, qui résume en lui tous les instincts, tous les mouvemens révolutionnaires. C’est comme une civilisation particulière qui se développe parallèlement à ce que nous nommons, nous, la civilisation. Quelle est la violation manifeste de l’idéal chrétien qui n’ait point sa place dans l’orthodoxie socialiste, — depuis les rêveries panthéistiques et alexandrines qui se cachent sous la défroque philosophique de M. Pierre Leroux jusqu’à l’anabaptisme qui revit dans l’ombre de nos sociétés secrètes, — depuis le matérialisme abject, le sensualisme honteux de quelques philosophes du XVIIIe siècle jusqu’à l’humanisme et à l’athéisme des pontifes hégéliens de l’Allemagne moderne ? Chacune de ces influences a sa part spéciale d’action et pourrait être suivie à la trace dans le travail des sectes contemporaines ; plus d’une a été savamment décrite ; il me suffit pour le moment de dire que l’une n’empêche point l’autre, et M. Pierre Leroux l’entend bien ainsi dans ses efforts pour fondre toutes ces nuances, pour combiner tous ces élémens et les mener au combat. M. Pierre Leroux a des manières de commenter le socialisme très propres à nous éclairer. Observez avec lui tout ce qui sort de bizarre, d’extrême du fond de la révolution, — le babouvisme, la théophilanthropie, la doctrine idéologique qui professe que le pouvoir est un ulcère : chacun de ces systèmes vous paraît peut-être suffisant par lui-même ; M. Pierre Leroux vous assurera que le socialisme est la synthèse qui les doit réunir. Le socialisme, vous dis-je, se compose de bien des choses : c’est l’éclectisme de toutes les négations religieuses, philosophiques et sociales. Il est d’honnêtes révolutionnaires qui se plaisent dans la négation comme dans une atmosphère, naturelle et saine et qui n’en disconviennent pas ; ils sont dans le vrai de leur métier. Il en est qui rédigent des budgets, promulguent des décrets clandestins pour le prochain avènement de la démocratie ou imaginent des organisations qui n’ont que le tort de combiner les erreurs et les vices de tous les régimes. Les plus curieux sont ceux chez qui, par une surexcitation particulière d’esprit, la négation affecte la forme de l’affirmation, s’habille de christianisme et revêt la tunique de lin pour développer le mystère de l’eucharistie sociale, ou commenter le sermon sur la montagne au profit du règne prochain de l’humanité émancipée et du bonheur universel. Ce sont les plus curieux, disais-je ; ce sont aussi les plus dangereux, on ne saurait le méconnaître, parce que leur langage est un piége permanent, parce qu’ils se font une arme des traditions religieuses, des habitudes contractées dès l’enfance pour infecter les ames peu fermes, les intelligences superficielles. C’est ce qui explique comment
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