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Fontainebleau voyait renaître ses magnificences historiques : depuis le vestibule de saint Louis et les galeries de François Ier et de Henri II jusqu’à la galerie de Diane et au cabinet où Napoléon signa son abdication, toutes ses parties reprenaient une vie nouvelle sans rien perdre de la physionomie particulière à chaque époque.

Le palais de Saint-Cloud, ancienne propriété de la maison d’Orléans acquise par Louis XVI et devenue depuis la résidence affectionnée de Napoléon ; Saint-Cloud, ce témoin muet de la chute d’une première république et de deux monarchies, devenait, grace à l’architecture et aux arts, plus digne des souvenirs qu’il rappelle[1].

Le roi n’avait jamais pu visiter le château de Pau, mais là était le berceau, là vivaient tous les souvenirs de son aïeul Henri IV ; l’antique château fut restauré, à la grande joie des populations béarnaises.

Louis-Philippe ne se bornait pas d’ailleurs à honorer la France par des travaux d’art exécutés au sein du pays même : il voulut encore perpétuer un saint nom et de glorieux souvenirs en élevant à ses frais sur la terre étrangère un monument français. Par un article secret du traité de 1830 conclu à Tunis peu après la prise d’Alger, Hussein-Bey, oncle du bey actuel, s’était engagé à céder à la France, sur les ruines de Carthage, un emplacement pour y ériger un monument à la mémoire de saint Louis ; mais la guerre sainte que les Arabes organisèrent contre nous, la prise de Tripoli par les Turcs, l’avènement d’Achmet au trône de Tunis, et certaines alliances hostiles à nos intérêts africains ne permirent pas de profiter de cette cession, et la firent même tomber dans l’oubli. La pensée nationale du gouvernement français sous le roi Charles X n’avait pas été perdue pour le roi Louis-Philippe : il la reprit dans une occasion favorable que lui fournit l’année 1840, et réclama l’exécution de l’engagement pris dix années auparavant par le gouvernement tunisien. M. de Lagau, nouvel agent du roi à Tunis, reçut bientôt l’ordre d’entamer une négociation qui amena immédiatement le bey à renouveler la promesse de 1830.

Cependant, pour élever un monument digne à la fois du saint roi et de son descendant, le ministère n’avait pas, comme on dit en style de finances, de crédit ouvert ; il fallait faire aux chambres une proposition spéciale. Ainsi qu’il arrive trop souvent, le ministère montrait de l’hésitation et prononçait le grand mot d’inopportunité. Le roi trancha la difficulté en déclarant qu’il se chargeait personnellement de la dépense. Peu de jours après, le roi confiait à un jeune architecte, M. Jourdain, la mission d’aller construire le monument sur le sommet de la colline qui domine les lieux où fut Carthage, et où la tradition veut que saint Louis ait rendu son ame à Dieu. Dès le

  1. Les travaux de Fontainebleau et de Saint-Cloud ont été exécutés sous l’habile direction de M. Dubreuil, architecte du roi.