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Les causes de la catastrophe qui leur coûta la vie ne nous sont connues que par les conjectures de M. de Maisonfort, qui, resté à terre, fut témoin de l’événement. La double machine, c’est-à-dire la montgolfière surmontée de l’aérostat à gaz hydrogène, s’éleva avec une assez grande rapidité jusqu’à quatre cents mètres environ ; mais, parvenu à cette hauteur, on vit tout d’un coup l’aérostat à gaz hydrogène se dégonfler et retomber presque aussitôt sur la montgolfière. Celle-ci tourna deux ou trois fois sur elle-même, puis, entraînée par ce poids, elle s’abattit avec une rapidité effrayante. Voici, selon M. de Maisonfort, ce qui était arrivé. Les voyageurs, parvenus à la hauteur de quatre cents mètres, furent assaillis par des vents contraires, qui les rejetaient loin de la mer dans l’intérieur des terres ; il est probable alors que, pour descendre et pour chercher un courant d’air plus favorable qui les ramenât vers la côte, Pilâtre des Rosiers tira la soupape de l’aérostat à gaz hydrogène ; mais la corde attachée à cette soupape était très longue ; elle allait de la nacelle placée au-dessous de la montgolfière jusqu’au sommet de l’aérostat, et n’avait pas moins de cent pieds. Aussi jouait-elle difficilement, et le frottement très rude qu’elle occasionna déchira la soupape. L’étoffe du ballon était très fatiguée par le grand nombre d’essais préliminaires que l’on avait faits à Boulogne et par plusieurs tentatives de départ ; elle se déchira sur une étendue de plusieurs mètres, la soupape retomba dans l’intérieur du ballon, et celui-ci se trouva vide en quelques instans. Il n’y eut donc pas, comme on l’a dit, inflammation du gaz au milieu de l’atmosphère ; on reconnut, après la chute, que le réchaud de la montgolfière n’avait pas été allumé. L’aérostat, dégonflé par la perte du gaz ; retomba sur la montgolfière, et le poids de cette masse l’entraîna aussitôt vers la terre. M. de Maisonfort courut vers l’endroit où l’aérostat venait de s’abattre ; il trouva les deux malheureux voyageurs enveloppés dans les toiles, et dans la position même qu’ils occupaient au moment du départ. Pilâtre était sans vie ; son compagnon expira au bout de quelques minutes. Ils n’avaient pas même dépassé le rivage et étaient tombés près du bourg de Vimille. Par une triste ironie du hasard, ils vinrent expirer à l’endroit même où Blanchard était descendu, non loin de la colonne monumentale élevée à sa gloire.

La mort de ces premiers martyrs de la science aérostatique n’arrêta pas l’élan de leurs émules et de leurs successeurs. Dans l’année 1785, on vit, suivant l’expression d’un savant aéronaute qui a écrit le Manuel de son art, M. Dupuis-Delcourt, « le ciel de l’Europe se couvrir littéralement de ballons. » Toutes ces ascensions, qui n’ont plus pour elles l’attrait de la nouveauté et qui ne répondent à aucune intention scientifique, n’offrent pour la plupart qu’un faible intérêt. Toutefois, avant de suivre les aérostats dans une nouvelle période plus sérieuse