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de leur histoire, celle des applications scientifiques, nous rappellerons quelques-uns des voyages aériens qui ont eu, de 1785 à 1794, le plus brillant suces de curiosité. L’ascension du docteur Potain mérite d’être citée à ce titre. Il traversa en ballon le canal Saint-George, bras de mer qui sépare l’Angleterre de l’Irlande. Il avait perfectionné la machine heliçoïde de Blanchard et s’en servit avec quelque avantage. L’Italien Lunardi exécuta à Édimbourg, différentes ascensions. Harper fit connaître à Birmingham les ballons à gaz hydrogène. En France, l’abbé Miolan éprouva au Luxembourg cet immense déboire tant chansonné par la malignité parisienne[1]. MM. Alban et Vallet construisirent à Javelle un vaste aérostat avec lequel le comte d’Artois s’éleva plusieurs fois, en compagnie de personnes de tous les rangs. C’est alors que se répandit à Paris la mode des figures aérostatiques ; dans les jardins publics, on vit s’élever, à la grande joie des spectateurs, des aérostats offrant la figure de divers personnages, le Vendangeur, une Nymphe, un Pégase, etc. Blanchard parcourait tous les coins de la France, donnant le spectacle de ses innombrables ascensions. Après avoir épuisé les curiosités de son pays, il alla porter en Amérique ce genre de spectacle, encore inconnu des populations du Nouveau-Monde. Il s’éleva à Philadelphie sous les yeux de Franklin. Son rival, Testu-Brissy, marcha sur ses traces. Sa première ascension, faite à Paris en 1785, présenta une circonstance assez curieuse. Il était descendu avec son ballon, armé d’ailes et de rames, dans la plaine de Montmorency. Un grand nombre de curieux, qui étaient accourus l’empêchèrent de repartir et saisirent le ballon par les cordes, qui descendaient à terre. Le propriétaire du champ où l’aérostat était tombé arriva avec d’autres paysans ; il voulut lui faire payer le dégât, et on traîna son ballon par les cordes qui fixaient la nacelle. « Ne pouvant leur résister de force, je résolus, dit Testu-Brissy, de leur échapper par adresse. Je leur proposai de me conduire partout où ils voudraient, en me remorquant avec une corde. L’abandon que je fis de mes ailes brisées et devenues inutiles persuada que je ne pouvais plus m’envoler ; vingt personnes se lièrent à cette corde en la passant autour de leur corps ; le ballon s’éleva d’une vingtaine de pieds, et j’étais ainsi traîné vers le village. Ce fut alors que je pesai mon lest, et, après voir reconnu que j’avais encore beaucoup de légèreté spécifique, je coupai la corde et je pris congé de mes villageois, dont les exclamations d’étonnement me divertirent beaucoup, lorsque la corde par laquelle ils croyaient me retenir leur tomba sur le nez. » C’est le même Testu-

  1. L’abbé Miolan était un bon religieux qui, associé avec un certain Javinet, fit construire une énorme machine aérostatique. Le jour de l’ascension venu, cet appareil gigantesque ne put quitter la terre : la foule le mit en pièces et battit les aéronautes, qui devinrent les héros d’un vaudeville et d’une douzaine de chansons.