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des raffinemens inouis de l’état social, la science est le premier devoir et la première sauvegarde des empires. La politique actuelle de l’Autriche est l’exemple le plus frappant peut-être de ce que peut le gouvernement d’un grand pays, quand il sait comprendre la situation nouvelle de l’Europe et y conformer ses actes. Il y a vingt ans l’Autriche devait favoriser le développement de l’esprit et de l’influence germaniques dans l’empire ; elle devait s’efforcer d’unir les races slave et magyare à la race allemande et de les faire disparaître au sein d’une patrie commune. Aujourd’hui, le problème est bien différent. Ces races qu’on aurait pu empêcher de renaître, elles existent, et par cela seul elles ont des droits comme tout ce qui vit. M. de Schwarzenberg, M. le comte Stadion et M. Alexandre Bach, dans leur constitution du 4 mars, avaient cru d’abord que la centralisation la plus jalouse était indispensable au salut de l’Autriche ; ils ont compris bien vite, nous l’espérons du moins, que l’état présent des peuples exigeait une étude plus compliquée, et les institutions communales et provinciales ont fait une part généreuse et habile à la spontanéité de chaque pays. Les solutions données sont-elles en tout point les meilleures ? Une polémique passionnée agite en ce moment même la presse allemande de l’Autriche et la presse des peuples slaves. Ces constitutions accordées aux provinces par le ministère Schwarzenberg, constitutions très larges et très libérales assurément, tendent vers un but caché ; elles doivent servir, telle est la secrète pensée du pouvoir, à diviser profondément la famille slave, à mettre obstacle aux affinités naturelles, à empêcher enfin les différentes races de former des groupes trop puissans. La Croatie, par exemple, demande par la voix de ses ardens publicistes que la Waywodine, la Styrie, la Carniole, la Carinthie, soient réunies à elle par une seule et même loi ; les Slovaques de la Hongrie veulent être réunis à la Bohême par une circonscription nouvelle, et les Valaques à la Transylvanie. Le ministère a grand soin, au contraire, de donner une constitution spéciale à chaque province. La nécessité n’ordonnera-t-elle pas bientôt une transformation plus complète de la vieille Autriche ? Ne vaudrait-il pas mieux, pour empêcher les Slaves de se donner à la Russie, se résigner à leur faire une plus grande place dans l’empire ? On peut être sûr que les conseillers du jeune empereur, en attendant les lumières de l’avenir, ne perdent pas de vue ce problème, j’allais dire cette menace. Ils seraient prêts, qu’on n’en doute pas, et prêts en temps opportun, aux douloureux sacrifices que leur imposerait le salut de la monarchie. Soit qu’il suffise de donner à chaque province une existence particulière sous la tutelle commune, soit qu’il faille se résigner à une fédération, dont les Slaves deviendraient quelque jour les chefs, cette carrière nouvelle peut encore être glorieuse ; elle est digne assurément de l’esprit jeune et intrépide qui