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est point en Europe qui le surpasse pour l’objet spécial auquel il est destiné. Pour la perfection de l’œuvre, il défie hardiment toute rivalité, mais à quel prix ? Jusqu’en 1844, l’industrie de la vapeur, semblait s’essayer chez nous, et Indret était particulièrement voué au hasard des inventions. Le résultat pouvait être prévu d’avance : l’ouvrage était cher et mauvais ; mais aujourd’hui cette industrie ne marcher plus à tâtons ; comparons les œuvres d’Indret et celles des établissemens privés. De même que nous ne rendons pas les entrepreneurs actuels responsables des faillites de leurs devanciers, de même aussi nous ne ferons pas peser sur Indret ses premiers et ruineux essais. Nous écartons l’intérêt du capital soldé par les budgets antérieurs. Aujourd’hui le prix de revient à Indret est de 1,400 francs par cheval, en y comprenant les frais d’administration, de surveillance, etc, et ce prix s’élèverait à peine à 1,350 francs, si l’on donnait à l’établissement toute sa puissance[1]. Ces machines, le commerce ne peut les livrer qu’au prix de 1,400 fr., et elles sont loin d’offrir les mêmes garanties d’exécution. Et c’est en présence e ces chiffres qu’on attaque Indret comme ruineux pour l’état, et c’est après la révolution de février, qui a ébranlé de tant de destructions le crédit privé, qu’on ose proposer de livrer au commerce l’entretien de notre marine à vapeur ! Abandonner Indret, quand l’Angleterre, ce pays de grande industrie, où de simples compagnies rivalisent de puissance avec l’état, charge son amirauté de construire des arsenaux à vapeur à Woolwich, à Portsmouth, à Keyham, non pas seulement dans un intérêt politique, mais aussi et surtout dans une pensée d’économie, car les ingénieurs déclarent unanimement que, si les réparations se font dans les établissemens spéciaux de l’amirauté, on épargnera 25 pour 100 !

Le cours de la Loire s’éloigne d’Indret, les travaux même qu’on avait commencés pour faire suivre au chenal les rives de l’île n’ont amené que des atterrissemens de sable et de vase en avant des cales de construction et dans la gare destinée à mettre pendant l’hiver les navires à l’abri du choc des glaçons. Bientôt les bâtimens n’y pourront plus aborder, le chantier des constructions menace ainsi de disparaître ; par le fait, on n’y construit plus. Depuis qu’il nous faut renoncer à la marine en fer, l’importance d’Indret, comme lieu de construction, ne justifie pas à nos yeux les travaux qu’il faudrait faire, soit pour prolonger les digues, submersibles destinées à conduire le fleuve le long de l’île, soit pour entretenir le dragage que l’endiguement actuel rend indispensable. Qu’Indret demeure donc la grande usine de l’état pour la fabrication des machines à vapeur : c’est là son véritable rôle dans l’établissement naval de la France.

  1. Voir les Considérations sur le Matériel de notre flotte, par M. Cros, ingénieur de la marine.