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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/39

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est aussi militaire qu’ecclésiastique, et de tous les faits d’armes dont il a été témoin, le plus brillant est sans contredit la belle défense de 1423 de cent dix-neuf gentilshommes bretons et normands contre toute une armée anglaise.

Sous Louis XIV, une sorte de maison de correction pour les fils de famille dont les écarts troublaient la société fut annexée à l’abbaye, et, si les orages du cœur humain se calment dans la solitude, aucun lieu ne convenait mieux à cette destination que le Mont-Saint-Michel : nulle part les bruits du monde n’arrivent plus affaiblis, nulle part le spectacle des grandeurs de la création ne rappelle plus fortement l’homme vers Dieu. Un décret de 1811 a converti le Mont-Saint-Michel en maison de réclusion. Ce noble édifice, où furent reçus Philippe-le-Bel en 1312, Charles VII en 1422, Louis XI en 1463 et en 1469, François Ier en 1528 et en 1532, Charles IX en 1561, n’ouvre plus ses portes qu’à d’obscurs visiteurs ou à des prisonniers. Il serait permis de s’en plaindre, si cette destination ne l’avait pas sauvé d’une ruine complète, et si notre temps n’en devait pas chercher de tout aussi vulgaires pour des palais jadis dépositaires des splendeurs de notre pays.

J’ai souvent eu l’esprit occupé des problèmes posés sur le régime des prisons ; il en est même un dont il m’a été donné de préparer la solution. Au mois de janvier 1831, les jeunes détenus de Paris ont été pour la première fois séparés par mes ordres des détenus adultes, avec lesquels ils étaient confondus, et, grace au zèle intelligent avec lequel je fus secondé, la séparation était faite moins de quarante-huit heures après avoir été résolue. Il existe entre les mesures à prendre sur les prisons et les améliorations à réaliser sur nos côtes un lien dont le premier chaînon devrait peut-être se rattacher au Mont-Saint-Michel : qu’il me soit permis de le faire apercevoir.

Dans les dernières années du règne du roi Louis-Philippe, des plaintes s’étaient élevées contre la concurrence faite aux ouvriers libres par les détenus. Mal fondées dans leur généralité, elles méritaient, dans un petit nombre de leurs applications, plus d’attention qu’elles n’en avaient obtenu. L’insignifiance de l’accroissement qu’apportait à la masse des produits du travail national le travail de quelques millier, de condamnés n’empêchait pas certaines industries locales d’être péniblement comprimées par la concurrence des ateliers de prisons voisines. L’administration était armée des moyens de redresser ces griefs on lui demandait d’en user, rien de plus ; mais, avant l’installation de M. Louis Blanc au Luxembourg, personne n’avait proposé le sacrifice du principe même. Malheureusement, la révolution de février venait de ranger les intéressés de la veille parmi les adversaires du travail des prisons. Tous les débouchés se fermaient : le choix des entrepreneurs du service des maisons centrales était facile entre l’alimentation