trop loin, ou tout au moins que c’est peine perdue. Quant à ceux qui sont habitués à ne tenir compte que de la forme et de la pensée, et pour qui la dimension est sans importance, ils ne manqueront pas d’approuver la méthode suivie par M. Barye. Ce luxe de prévoyance n’a pas refroidi la composition. Rien n’est ébauché, tout est rendu et tout est vivant. L’auteur a divisé sa tâche en deux parts. Après avoir librement composé la scène qu’il avait conçue, après avoir ordonné avec discernement les lignes de son groupe, il a mis dans l’exécution autant de patience qu’il avait mis de verve dans l’invention. C’est la seule manière de produire une œuvre digne de fixer l’attention. Toutes les fois en effet qu’on veut mener de front ces deux harts de la tâche, toutes les fois qu’on prétend inventer et modeler à la même heure, il est à peu près impossible de toucher le but, et, quoique cette vérité semble banale en raison même de son évidence, il n’est pas inutile de la rappeler ; car un grana nombre de statuaires qui, sans posséder des facultés éminentes, arriveraient pourtant à produire des morceaux d’une certaine valeur, s’ils consentaient à diviser leur tâche, se condamnent à la médiocrité en voulant l’achever d’un seul coup. Ils ébauchent pendant le travail de l’invention, et le courage leur manque pour traduire sous une forme plus précise la pensée qu’ils ont conçue. Effrayés par la lenteur du travail, ils se contentent d’une vérité incomplète, ou bien, engagés dans une voie non moins fausse, ils négligent l’invention comme superflue, et copient patiemment, servilement, je pourrais dire mécaniquement, tantôt le modèle vivant qu’ils ont devant les yeux, tantôt quelque morceau apporté de Rome ou d’Athènes. Inventer librement, exécuter lentement, c’est le programme tracé par tous les maîtres vraiment dignes de ce nom. Dans la sculpture de genre comme dans la sculpture monumentale, il n’y a qu’une seule manière de réussir : c’est d’accepter franchement ces deux conditions, et de lutter sans relâche pour réaliser sous une forme pure et savante l’idée hardiment conçue. Je ne crois pas me tromper en affirmant que M. Barye n’a pas perdu de vue ces deux conditions, et qu’il les a fidèlement accomplies. La liberté de l’invention nous séduit au premier aspect ; la pureté, la vérité de la forme nous confirme dans notre premier sentiment.
La Chasse au Lion présente une scène complexe. Il ne s’agit pas en effet d’atteindre et de frapper le lion, pour délivrer la contrée d’un hôte dangereux ; il s’agit de sauver un buffle qui est aux prises avec le lion. Les cavaliers arabes accourus au secours du buffle s’efforcent de le dégager. Le but de cette lutte s’explique très clairement, et le spectateur ne conserve aucun doute. Les cavaliers arabes se distinguent par une étonnante légèreté d’allure. Chacun sait que les Arabes ont une manière toute particulière de monter à cheval, qui ne ressemble, en rien aux habitudes européennes. M. Barye a parfaitement saisi, parfaitement