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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/866

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du sujet. En racontant la vie et les travaux de Saint-Cyran, quand il trouve sur sa route le livre de Jansenius, ne pouvant se disperser d’en parler, il en donne quelques extraits, et, comme s’il voulait demander grace pour l’aridité générale de l’Augustinus, il se hâte d’établir un parallèle littéraire entre l’évêque d’Ypres et Milton. Ce parallèle, j’en conviens, n’est pas dépourvu d’intérêt. Il est curieux de voir comment le poète protestant et le prêtre catholique comprennent et décrivent l’innocence du premier homme et le bonheur du paradis terrestre. Et ce n’est pas le seul passage qui soit de nature à plaire dans les deux chapitres consacrés par M. Sainte-Beuve à l’Augustinus. S’il n’a voulu qu’éveiller la curiosité, il a pleinement réussi ; mais il m’est impossible d’accepter ces deux chapitres comme l’analyse complète de l’Angustinus. L’historien a choisi ce que j’appellerai la partie friande, et négligé la partie sérieuse. Les oisifs pourront l’en remercier ; quant à ceux qui n’aiment pas à voir les vieilles questions inutilement réveillées, ils regretteront qu’un esprit aussi ingénieux ait remué les cendres de Port-Royal sans oser aborder les problèmes agités par ces laborieux solitaires.

Ce que je disais tout à l’heure du livre de M. Sainte-Beuve, envisage dans son ensemble, ne saurait s’appliquer à la troisième partie, qui porte le nom de Pascal. Il serait difficile, en effet, de réunir sur ce penseur illustre un plus grand nombre de renseignemens précieux. Si l’origine et la renaissance du monastère, si la doctrine et le gouvernement de Saint-Cyran, malgré le talent de l’auteur, n’offrent pas un intérêt bien vif, il serait injuste de ne pas reconnaître le charme que l’historien a prêté à toute la biographie morale et littéraire de Pascal. C’est assurément le morceau le plus complet que nous possédons sur cet admirable écrivain. Nous assistons jour par jour à la composition des Provinciales. Tout ce qu’il est possible de savoir sur l’origine et la publication de ces prodigieux pamphlets, dont la puissance dure encore, M. Sainte-Beuve l’a cherché sans jamais plaindre son labeur, et nous devons le remercier de nous l’offrir dans un ordre simple et facile à saisir. Après avoir lu attentivement toute cette troisième partie, chacun connaît Pascal depuis le jour de sa naissance jusqu’au jour de sa mort. Il n’y a pas une question qui demeure sans réponse. Le miracle de la sainte épine et l’anecdote de l’abîme sont ramenés à leurs vraies proportions. Ainsi, considérée sous le rapport purement littéraire, cette troisième partie mérite les plus grands éloges. Nous voyons Pascal aiguiser en traits mortels contre les disciples de Loyola les citations savantes que ses amis lui ont apportées la veille, se faire de cette théologie improvisée une armure impénétrable, et poursuivre le combat sans se laisser décourager par les injures qui ne manquent jamais à la vérité. Si jamais écrivain pratiqua dans toute sa sévérité