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LE VOMERO


SCÈNES DE LA VIE NAPOLITAINE..



I.

La nature, si prodigue envers Naples, lui a refusé, par un étrange oubli, ce qu’on trouve à profusion dans toutes les villes d’Italie, l’eau potable. Dans ce paradis terrestre, où semblent réunies par les fées toutes les merveilles et les délices qui assurent à l’homme le bien-être facile et les plaisirs gratuits, on n’obtient qu’avec peine un verre d’eau limpide. Trois ou quatre fontaines abreuvent une ville de cinq cent mille âmes, et une seule fournit de l’eau vraiment pure, la fontaine du Lion : aussi les acquajoli, dont les boutiques ornées de guirlandes ressemblent à des reposoirs de procession, ne manquent-ils jamais d’offrir à grands cris l’eau de la fontaine du Lion ; mais ils se vantent, car un mensonge ne leur coûte rien, et par paresse ils vont puiser l’eau à la fontaine la plus proche. Quant aux carafes du café de l’Europe, le Tortoni de l’endroit, on n’a pas besoin d’un microscope pour y voir nager les animalcules, ce qui excite particulièrement les murmures et l’horreur des Romains, gens raffinés sur l’article des boissons rafraîchissantes.

Outre ce premier et grave inconvénient, le manque d’eau sert encore de prétexte à la négligence des blanchisseuses : une chemise sans tache est un prodige à Naples ; les draps de lit sont saupoudrés de grains de sable. Une seule fontaine, celle du Vomero, blanchit toute la ville, et c’est peut-être pour ménager l’eau que les lazzaroni discrets ne portent d’autre linge qu’un caleçon de toile bise. Quelque jour, l’industrie des puits artésiens viendra changer tout cela, si saint Janvier veut bien le permettre.