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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/108

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La fontaine du Vomero est située hors de Naples, dans un lieu pittoresque. Deux chemins y conduisent, des deux extrémités de la ville, en tournant autour de la montagne où est construit le fort Saint-Elme. Tous les matins descendent, par ces deux chemins opposés, les laveuses, portant sur leur tête une corbeille ou une secchia de bois blanc qu’elles soutiennent d’une main, en appuyant l’autre main sur la hanche, comme les jeunes filles qui environnent Éliézer dans le tableau du Poussin. Les plus matineuses et les plus actives s’emparent du bassin de la fontaine ; les autres jasent et chantent, assises à l’ombre, en attendant leur tour. Quand on se querelle, on crie à tue-tête, quand on est d’accord, on rit à gorge déployée. Les langues ne s’arrêtent jamais : c’est un concert de voix jeunes et sonores qui s’entend de loin.

Les garçons désœuvrés viennent chercher de la compagnie dans ce salon en plein vent ; quelques-uns se mettent en frais d’esprit, éveillent avec art la coquetterie des laveuses, et font leur cour, toujours sur le ton du badinage. Les plus assidus finissent par obtenir des signes de préférence. Des conversations générales on passe aux entretiens particuliers, et puis aux tête-à-tête. En retournant à la ville, des couples isolés s’écartent de la bande. Plus d’une fille a laissé prendre son cœur dans le trajet, plus d’un mariage s’est fait ainsi ; mais, quand les romans commencés au Vomero ne se dénouent pas à l’église, la conclusion en est souvent arrosée de larmes, et, par quelque nuit sombre, la sœur qui veille à l’hospice de l’Annonciade voit deux mains tremblantes déposer dans le tour un pauvre enfant sans nom.

Au printemps de l’année 1844, on citait, parmi les laveuses du Vomero, deux jeunes filles, plus belles que les autres, et dont un peintre avait reproduit les figures dans un tableau qui n’était pas sans mérite. L’une était une grande et forte personne de l’île de Procida, brune comme une grenade, avec des traits d’une régularité classique, les yeux enchâssés à la grecque, les sourcils comme tracés au pinceau, le regard calme et un peu dur, la peau dorée, luisante, mais fine et unie comme le satin, les habitudes du corps majestueusement nonchalantes. Elle portait le nom pompeux de Bérénice. L’autre, appelée Giovannina, était petite et svelte, avec des yeux d’un vert de bouteille, pétillans d’intelligence, les cheveux d’un blond ardent, la peau d’une blancheur mate qui résistait à l’action du soleil, la bouche en accolade, la physionomie mobile, expressive, variée connue son humeur, le geste vif, précis et d’une adresse singulière : ce type napolitain, plus rare que le premier, compte la gracieuse Cerrito parmi ses exemplaires les plus aimables.

Bérénice aimait passionnément la parure, les couleurs brillantes et la dorure : les joyaux de sa couronne se réduisaient à une paire de