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pendans d’oreilles en corail, une croix en filigrane et un bracelet de boules d’agate formant chapelet ; mais elle ajoutait à ces trésors quantité d’autres ornemens moins chers, comme des colliers de pierres ramassées dans les mosaïques en ruine, ou des torsades de glands d’Espagne et de graines de sorbier. Ses cheveux, souvent en désordre, étaient relevés par deux grosses épingles. Le rouge et le jaune dominaient dans ses vêtemens, et une longue frange pendait au bas de son tablier. Giovannina s’habillait plus simplement ; elle ne se parait que les dimanches et les jours de fête : les jours de travail, aucune épingle ne brillait sur sa tête, point de collier sur son cou blanc ; mais elle ne sortait pas sans avoir peigné ses cheveux avec soin, et sa chemisette à mille plis était d’une propreté rare.

Un seigneur étranger, de qui elle avait blanchi le linge, avait dit un jour à Giovannina que le moyen de faire fortune était de travailler avec plus de zèle et de conscience que ses compagnes paresseuses, de livrer de l’ouvrage sans reproche, d’éviter les taches, de se distinguer enfin sur ses rivales, dont la négligence et la mauvaise volonté feraient nécessairement remarquer et choisir une ouvrière plus habile et plus soigneuse. Ces conseils avaient d’abord étonné Giovannina. L’usage à Naples étant de bâcler la besogne et d’en solliciter ensuite le salaire le plus élevé possible au moyen de ruses, de mensonges et d’efforts d’éloquence, la pauvre fille n’avait pas compris du premier coup les avis du seigneur étranger. L’instinct et la tradition de la fourberie obstruaient son esprit et l’empêchaient de saisir ce calcul profond où les bénéfices à venir étaient mis au-dessus d’un gain immédiat ; mais, en y rêvant, elle avait fini par sentir la justesse du précepte. Le génie de l’industrie occidentale s’était révélé à son intelligence. Giovannina se leva matin pour arriver à la fontaine avant les autres et prendre la meilleure place. Elle se donna de la peine, employa bien son temps, laissa ses compagnes bavarder, et ne tira son linge de l’eau que lorsqu’elle le vit d’une netteté complète. La récompense ne se fit pas attendre : on remarqua son émulation. L’hôtel de la Victoire, où descendent les étrangers les plus riches, l’employa, et, à la fin de chaque semaine, elle recueillit une moisson de carlins.

Il fallait à Giovannina un grand parti pris pour travailler si bravement au milieu des quolibets, des chansons et des rires. Les autres laveuses, en voyant son application et son activité, auraient pu deviner facilement d’où lui venaient son bonheur et ses bénéfices ; mais elles n’imaginèrent point d’autre cause à sa fortune qu’une heureuse étoile. Bérénice se considérait comme une personne de qualité rejetée par une erreur du hasard dans une condition indigne d’elle. Toutes les occasions d’interrompre son travail lui convenaient également. Au premier mot qu’on lui disait, elle se livrait à la conversation sans se