Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans remède, Nino résolut de rendre une visite à la signora Giovannina. Il n’était pas fâché de jeter en même temps un coup d’œil sur l’établissement de la maîtresse blanchisseuse. Un soir, après avoir reconduit Bérénice à Chiaïa, où elle demeurait, il prétexta des affaires importantes, et, à travers le labyrinthe des rues sales et tortueuses du vieux Naples, Nino courut au galop jusqu’à la Conciaria, ou quartier des tanneurs, dont on sent de loin les robustes parfums. Devant une maison de sombre apparence, il reconnut deux des laveuses employées par. Giovannina, lesquelles, ayant fini leur journée, se peignaient réciproquement les cheveux et faisaient ingénument leur toilette au milieu de la rue, suivant l’usage de l’endroit. Nino passa devant ces deux filles et entra dans la maison. Au fond d’une petite cour, il aperçut une espèce de hangar sous lequel quatre repasseuses travaillaient encore. Giovannina, le fer en main et les manches relevées, repassait elle-même un magnifique surplis d’une éclatante blancheur.

— Par Bacchus ! murmura Nino, les bruits publics ne se trompent pas. Voilà un bel établissement. Ce surplis appartient à quelque monsignor, et une blanchisseuse qui travaille pour le clergé est assurée de faire fortune.

Il souhaita ensuite le bonjour à la signorina, qui le pria de s’asseoir en attendant qu’elle eut fini l’ouvrage en train, et il se mit à préparer ses phrases en tournant son bonnet de laine entre ses mains. Au bout de cinq minutes, Giovannina déposa son fer, et, faisant un signe de tête gracieux au jeune visiteur, elle lui demanda ce qu’il désirait.

— Me prosterner à vos genoux, répondit Nino avec exaltation, m’humilier devant vous, divine Giovannina, me coucher à vos pieds pour que vous marchiez sur mon corps, cacher mon front dans la poussière ou le briser en mille pièces sur ces dalles, si je ne puis réussir à vous toucher par mon repentir et mon désespoir. Est-il possible que j’aie offensé par d’orgueilleux mensonges un ange de douceur qui daignait s’abaisser jusqu’à moi dans l’intention de revenir sur un mot trop cruel ! Est-il possible que j’aie perdu un moment le respect dont j’étais pénétré pour la plus aimable des jeunes filles ! Ah ! ne le croyez pas, adorable signorina, je ne suis point l’amant de Bérénice, je n’ai reçu d’elle aucune consolation ; je suis trop malheureux d’avoir mérité votre colère, et, si vous ne me pardonnez mon impertinence, je me laisserai mourir de faim, de soif et de douleur.

— Ne vous désolez point ainsi, répondit Giovannina en souriant. Je ne vous cacherai pas que vos paroles dédaigneuses m’avaient blessée : on n’aime pas à se voir rudoyé quand on fait un effort sur soi-même pour réparer une faute ; mais les premiers torts étaient de mon côté. J’oublierai donc volontiers les vôtres, et nous resterons bons amis. Quant à Bérénice, que m’importe si vous l’aimez ou non ? Si elle vous