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Conclusion : il faut non-seulement changer en totalité la masse du sang, il faut faire aussi peau neuve. »

Cette royauté qui aura à la fois une nature et une allure nouvelles est la royauté que veut Mirabeau et qu’il conseille sans cesse. Ainsi, dans la cérémonie de la fédération, au lieu de faire jouer au roi un rôle tout mécanique et tout passif, sous prétexte de majesté, et de montrer partout M. de Lafayette comme le grand acteur du jour, Mirabeau aurait voulu que le roi fût à cheval, fit ranger lui-même les gardes nationales, qu’ensuite il montât sur son trône et qu’il partît du trône pour aller faire son serment, à l’autel. « En tout, dit Mirabeau, si le roi veut gouverner par lui-même et penser que l’étiquette et les formules ministérielles n’ont été inventées que pour hébéter systématiquement les princes, et mettre eux et leurs sujets dans la dépendance absolue de leurs vizirs, le roi des Français sera bientôt le premier et le plus puissant monarque de la terre[1]. » Ailleurs, donnant des conseils pour populariser le roi et la reine, il leur demande « de se montrer souvent en public, de se promener quelquefois, même à pied, dans les lieux les plus fréquentés, d’assister à des revues de la garde nationale, de paraître à quelques séances de l’assemblée dans la tribune du.président, de visiter les hôpitaux, les hospices publics, les grands ateliers d’ouvriers, et d’y répandre quelques bienfaits. Ce genre de représentation, également convenable à la reine et au roi, leur serait, sans aucun doute, plus utile qu’une impénétrable retraite. »

Mirabeau a pour détester et pour combattre la contre-révolution sous toutes ses formes, outre ses passions, une grande et bonne raison, une raison dont doivent lui savoir gré tous ceux qui rattachent leurs opinions aux principes de 89 : il aime la révolution non pas seulement parce que cette révolution l’a fait grand et puissant, il l’aime parce qu’il la croit bonne et légitime. Et ici entendons-nous bien : ce qu’il aime, ce n’est pas la révolution tumultueuse et violente, ce n’est pas la révolution des journées des 5 et 6 octobre, dans lesquelles on voulut sottement impliquer Mirabeau, qui les détestait et les croyait funestes, puisqu’elles avaient amené le roi et l’assemblée à Paris, c’est à dire au milieu du volcan qui devait les engloutir ; ce qu’il aime, c’est la révolution telle qu’elle est dans la pensée des honnêtes gens et telle qu’elle sera dans l’avenir. Mirabeau voit le mal présent, qui est grande et qu’il veut combattre énergiquement ; mais il prévoit les changemens généraux et salutaires que la révolution de 89 doit amener dans la société, et ce sont ces changemens qu’il aime. Le parti révolutionnaire défendait la révolution du moment, telle qu’elle s’agitait avec ses passions, avec ses désordres, avec ses crimes. Mirabeau défendait la

  1. Tome II, page 121.