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par ces discussions combien, de tout temps, en tous pays, les industries habituées à la protection se raidissent contre les plus sages réformes et à quel lyrisme de déclamations elles savent s’élever, lorsqu’il s’agit, non pas même de porter atteinte au principe de la protection, mais seulement d’accommoder la loi qui régit les intérêts privés aux exigences de l’intérêt général. M. Huskisson déploya, dans ce débat, le talent le plus éminent, en même temps qu’un courage et une résolution inébranlables. Il ne parlait pas en théoricien; homme pratique et homme d’état tout ensemble, il se plaçait sur le terrain des faits et se retranchait derrière l’argument irrésistible des nécessités politiques. Que demandait-il en effet, sinon l’application d’une politique commerciale qui seule pouvait répondre aux besoins nouveaux, et qu’imposaient à l’Angleterre les légitimes exigences des puissances étrangères? Par la législation prohibitive de 1660, par les résultats merveilleux que cette législation avait produits, l’Angleterre avait enseigné aux autres peuples comment on peut créer et fortifier l’intérêt maritime, et, profitant de la leçon, ces peuples s’étaient empressés de recourir également aux restrictions, aux droits différentiels sur le tonnage et sur les marchandises. Déjà, en 1815, la Grande-Bretagne avait dû céder aux réclamations des États-Unis et consentir à la réciprocité. En 1823, la Prusse menaça de frapper les provenances anglaises, si l’Angleterre persistait à grever d’un tarif différentiel les importations sous le pavillon prussien. Il était donc nécessaire de céder et d’accorder la réciprocité, sous peine de perdre le marché de la Prusse, et par contre-coup celui de l’Allemagne presque entière. A l’exemple de la Prusse, d’autres nations exigèrent la conclusion de traités analogues, et la réciprocité devint en quelque sorte le droit commun. Il fut désormais reconnu qu’aucun peuple ne peut, sans s’exposer à des représailles ruineuses, refuser, pour les relations directes, la réciprocité du traitement, et, pour le dire en passant, si la France a conclu sur ces bases les conventions de 1822 et de 1826 avec les États-Unis et avec l’Angleterre, elle n’a fait qu’obéir à une nécessité à laquelle il lui était impossible d’échapper. La théorie professée de 1822 à 1825 par M. Huskisson défend victorieusement le principe sur lequel reposent ces conventions qu’on a si souvent attaquées.

De 1825 à 1849, la législation maritime de la Grande-Bretagne a été constamment inspirée par cette double pensée : 1° étendre autant que possible, dans les relations avec tous les peuples, soit de l’Europe, soit du Nouveau-Monde, l’application de la réciprocité; 2° procéder à cette extension avec libéralisme, c’est-à-dire en donnant l’interprétation la plus large aux clauses de la loi existante ou en tempérant les restrictions législatives par des concessions particulières accordées à tel ou tel peuple, au moyen de traités qui assuraient au pavillon et au