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SOUVENIRS


DE LA


VIE MILITAIRE EN AFRIQUE.





LE KHAMIS DES BENI-OURAGH.





I.

Le pansage du soir venait d’être terminé dans le peloton du 4e chasseurs à cheval d’Afrique, laissé depuis trois semaines par la colonne de Mostaganem à trente lieues de la côte, dans les montagnes des Beni-Ouragh, pour renforcer la petite garnison du poste-magasin du Khamis. Ce poste se nommait ainsi d’un marché où le khamis, — le cinquième jour, c’est-à-dire le jeudi de chaque semaine, — la puissante tribu kabyle des Beni-Ouragh venait, comme autrefois les gens des fiefs dans notre vieille France, échanger les nouvelles et causer des affaires publiques, tout en se livrant au commerce. On était en juillet 1845, à la veille de la grande révolte. Depuis deux mois, une agitation sourde se faisait remarquer parmi ces populations sauvages : les coupeurs de route avaient reparu; des messagers envoyés de l’ouest s’en allaient, de gourbi en gourbi, porter les paroles de révolte, les lettres du sultan, de l’Hadj-Abd-el-Kader. Le général de Bourjolly crut nécessaire de raffermir notre autorité en enlevant les fauteurs de désordre au moment même où ils tenteraient de semer l’agitation dans le pays. Deux cents grenadiers d’élite et vingt-cinq chevaux reçurent donc l’ordre de rejoindre au Khamis le chef de bataillon Manselon, de la légion étrangère, commandant le cercle. Cette force n’était pas assez considérable