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enrichi de brillans plus ou moins beaux. Pour les inférieurs, ce sont de grandes croix en forme de soleil dont les rayons sont en diamans et rubis, et dont le centre représente le symbole de la monarchie persane : un lion surmonté du disque radieux du soleil. On porte ces décorations, comme nos plaques, sur la poitrine. En descendant l’échelle on passe des croix de commandeur aux petites croix, qui sont toujours ornées de diamans, et l’on arrive aux simples médailles d’or et d’argent pour les hommes qui se sont distingués par leur bravoure. J’ai vu des soldats persans qui avaient plusieurs médailles semblables, et l’on m’a dit que chacune de ces décorations était le prix d’une tête coupée sur le champ de bataille.

L’établissement d’une hiérarchie régulière dans l’armée persane remonte à Nadir-Châh, qui fut le premier organisateur des forces militaires de son pays. Ce fut lui qui commença à réunir un nombre déterminé de soldats sous un chef dont le commandement se transmettait par des officiers subalternes. Le plus haut grade de l’armée persane est celui d’émir-nizam. Il n’y a qu’un seul émir-nizam dans toute l’armée. Il réside toujours dans l’Azerbaïdjan, dont il commande directement toutes les forces militaires. Ce poste lui est assigné en vue des événemens qui pourraient se passer sur les frontières les plus menacées du royaume, celles de la Russie et de la Turquie. Au-dessous de l’émir-nizam sont quatre serdârs, qui ont le commandement chacun de dix mille hommes. On peut les assimiler aux généraux. Il y a quatre grandes circonscriptions militaires commandées par des serdârs : à Téhéran, pour l’Irak ; à Meched, pour le Khorassân ; à Chiraz, pour le Fars et tout le midi, et à Kermanchâh, pour l’ouest. Après les serdârs viennent les colonels, qu’on appelle sertip ou sering. Ils commandent plusieurs bataillons, qui ont pour chefs des yavehr, ayant sous leurs ordres mille hommes. Dans chaque bataillon, les grades inférieurs sont occupés par les sultans ou capitaines, les naïeb-sultân ou begzâdèhs (lieutenans), les yuzbachi et dâhbachi (sous-lieutenans). Le bay-dactar est le porte-drapeau. Ce drapeau est rouge ; sur le champ est figuré le symbole de l’empire ; la hampe est terminée par une main ouverte, la main d’Ali, le gendre du prophète. Chaque corps a de plus un vekil ou adjudant chargé des subsistances.

Telle est la vie publique des Persans, administrant les revenus de leur territoire, rendant la justice, servant enfin dans l’armée du châh. Quant à leur vie privée, qui sera l’objet d’une autre étude, elle est tout empreinte encore, il faut bien le dire, du caractère frivole et sensuel de l’ancienne civilisation de ce pays. Immobilité dans les mœurs, essais incomplets de réforme dans les institutions, telle serait donc la situation à laquelle la Perse se verrait condamnée après avoir traversé tant de siècles de gloire ? — Cette question ramenait