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qu’on peut avec quelque certitude regarder comme écrit par lui, hormis les deux lettres adressées à lord Chatham, qui ont paru en 1838 avec la correspondance de cet homme d’état, lettres intéressantes surtout parce qu’elles indiquent, contrairement à certaines conjectures, que lord Chatham ne connaissait pas Junius.

L’édition de 1813 fut très bien accueillie. On conçoit que, par son contenu seul, elle devait exciter la curiosité et stimuler l’esprit d’investigation, en lui fournissant de nouveaux matériaux, en lui ouvrant une voie nouvelle. La question fut donc comme remise à l’ordre du jour ; elle était traitée par avance ou du moins posée avec développement dans un essai préliminaire, luis en tête du premier volume, par un auteur qui ne se nommait pas. Cet essai, ouvrage du docteur John Mason Good, doit être lu avant tout ; on y trouve bien discutés les droits des divers auteurs supposés de l’ouvrage, de ceux du moins qui avaient été soupçonnés jusque-là. C’est un résumé de tout ce que savaient ou de tout ce que voulaient qu’on sût les deux Woodfall, de tout ce qui paraissait résulter avec certitude des pièces et documens laissés par le père ou communiqués par le fils. Là est encore aujourd’hui le corps des preuves à étudier, le fond de l’instruction du procès, et les additions postérieures ne dispensent pas de faire remonter toute recherche à cette déposition des premiers témoins, à cet exposé des faits donné par le premier investigateur. Rappelons ceux qui nous paraissent établis.

Samson Woodfall, imprimeur à Londres, dans la Cité, près de Saint-Paul, Angel-court, Skinner-street, était un homme estimé dans sa profession. Il avait reçu une éducation libérale, ses opinions étaient celles d’un whig décidé, et, dans ses opinions, il était sur et fidèle comme en toutes choses. Depuis le mois d’avril 1767 jusqu’en janvier 1769, il reçut de façon mystérieuse, et au milieu de beaucoup d’autres envois, des compositions empreintes d’un même esprit politique, et qui lui parurent provenir de la même plume. Cette plume, il la reconnut dans celle qui traçait et signait encore d’un C. les billets qu’à partir du 21 avril 1769 il reçut de l’auteur des lettres de Junius. L’écriture lui en paraissait un peu contrefaite. Les articles que ces billets annonçaient ou accompagnaient n’étaient pas toujours transcrits de la même main. L’auteur convenait qu’il les faisait copier. Or, ces copies n’existent plus, on le croit du moins ; ou elles ont été détruites, ou elles étaient rendues, après avoir servi pour l’impression. Cette correspondance passait par des voies diverses. Quand ils étaient seuls, les billets venaient par la poste ; quelquefois un commissionnaire les avait reçus dans la rue d’un gentleman inconnu ; souvent le correspondant indiquait un lieu public éloigné, un café, une allée, une de ces cours, un de ces lane si comnmns dans la Cité, où les messagers