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autrichienne. Quel que soit l’avenir de cette entreprise au point de vue politique elle s’appuie maintenant sur une tentative commerciale qui laissera certainement des traces : nous voulons parler des projets d’union douanière dont l’Autriche, comme nous l’avons déjà indiqué, poursuit hardiment l’exécution. C’est au milieu de l’année dernière, au plus fort du démêlé austro-prussien, que le cabinet de Vienne proposa d’unir dans un même réseau de douanes tous les pays de l’Allemagne et toutes les provinces de l’Autriche, allemandes ou non.

Le premier effet de cette démarche fut d’amener de telles dissidences dans le congrès du Zollverein qui se tenait alors à Cassel, que la Prusse n’en put rien tirer. L’un des comités de la conférence de Dresde a repris la question de plus belle ; l’Autriche s’y intéresse très sérieusement ; elle s’est déjà, dit-on, concilié sur ce terrain moins scabreux que l’autre et les royaumes de second ordre et quelques-uns des petits états. La Prusse, battue en brèche jusque dans son propre Zollverein, pourrait bien être amenée de force dans cette vaste union qu’elle n’aurait point faite Breslau et la Silésie pétitionnent même déjà pour obtenir une jonction avec les douanes autrichiennes. La Prusse pourtant se débat de son mieux. L’établissement des douanes autrichiennes élèverait en général les droits d’importation ; la Prusse se dépêche de se convertir au libre échange, et M. de Manteuffel ne dédaigne pas d’assister aux meeting des libre-échangistes berlinois. On caresse l’ancienne union séparatiste du nord, les états qui n’avaient point accédé jadis au Zollverein prussien, le Hanovre, l’Oldenbourg, le Holstein. On voudrait élever du moins en face de l’union protectioniste dirigée par l’Autriche au midi une grande association libérale de l’Allemagne du nord. L’Autriche, de son côté, ne reste pas en arrière. Comme gage de ses promesses, elle ouvre la Hongrie au commerce allemand, elle passe rapidement des tarifs prohibitifs aux tarifs protecteurs. Le baron de Bruck poussé vigoureusement cette réforme intérieure, malgré les plaintes d’un conseil d’agriculteurs et de manufacturiers qu’il avait appelé auprès de lui et qui vient de clore sa session. La liberté des transactions industrielles et commerciale gagne donc insensiblement à travers toute l’Europe.

ALEXANDRE THOMAS.


REVUE DRAMATIQUE. VALERIA

De toutes les pièces de théâtre que nous avons vu représenter depuis quelques années, voici celle qui nous a le plus affligé, car c’est celle qui nous a le mieux montré la décadence de l’art dramatique : elle nous a fait sentir bien clairement d’abord quelle cécité morale recouvre les yeux des écrivains contemporains, ensuite dans quelle profonde ignorance ils sont des lois de l’art dramatique, ou, s’ils les ont jamais sues, combien ils les ont oubliées. Voilà pour la pièce en elle-même, pour la pièce prise indépendamment du plaisir que la représentation peut faire éprouver. Quant à la pièce représentée, elle nous a donné un plus triste enseignement encore. Pendant les cinq heures qu’a duré la représentation de Valeria, nous n’avons pu chasser de notre esprit une supposition qui se présentait inflexiblement à nous : c’est que les auteurs, ayant