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écoles. L’art allemand, devenu un peu valétudinaire à force de sacrifices et de macérations, est soutenu du moins par une foi fiévreuse qui lui donne l’animation de la vie : l’art anglais, malgré sa physionomie florissante, est au fond d’une constitution usée. Il n’existe qu’à la surface, et, pour peu qu’on étudie les ressorts de cette existence, on demeure surpris de leur fragilité.


III. — ÉCOLE ANGLAISE. — RAYNBACH : le Payeur de rentes, le Colin-Maillard d’après Wilkie. — COUSINS : Pie VII d’après Lawrence. — ESTAMPES d’après M. Landseer. — LA GRAVURE AUX ÉTATS-UNIS ;

On a dit souvent que les arts étaient l’expression des habitudes morales d’un peuple. Sans doute, lorsqu’ils ont été de tout temps une nécessité pour lui, lorsqu’ils sont pour ainsi parler, endémiques ; mais là où ils ont pénétré par contagion seulement, il peut se faire qu’ils restent absolument distincts des tendances générales, qu’ils n’en représentent qu’une partie, ou même qu’ils ne laissent supposer des tendances tout-à-fait contraires. Ainsi, en Angleterre, la peinture, si vague dans la forme, si dépourvue d’ailleurs de sens et de sérieux, semble en contradiction formelle avec le caractère et le génie de la nation. C’est que les Anglais cherchent avant tout dans l’art l’oubli de leurs pensées habituelles, et qu’ils redoutent d’y rien trouver qui rappelle la méditation et le calcul. Depuis Hogarth, y a-t-il eu dans toute l’école un seul penseur profond, à l’exception peut-être de Flaxman ? Les peintres les plus renommés de la fin du siècle dernier et du commencement de celui-ci n’ont-ils pas toujours donné à leurs travaux un aspect de fantaisie, un caractère superficiel, et les tableaux de Smirke ou de Wilkie lui-même sont-ils rien de plus qu’agréables ? Thomas Stothard, que ses compatriotes ont surnommé « l’un des chapiteaux de l’école anglaise, » ce qui impliquerait l’idée de transformer en colonnes de bien frêles artistes, — Lawrence et ses imitateurs — M. Turner et les paysagistes qui le proclament leur maître, — tous ne consacrent-ils pas leur habileté à faire chatoyer des tons brillans à côté de tons absorbés, sans souci de la forme, de la correction, du sens intime de leur œuvre, et comme s’ils avaient pour but unique d’étonner le regard ? Un pareil système, adopté par les graveurs aussi complètement que par les peintres, a, depuis long-temps déjà, perdu le charme de la nouveauté. On est bien près d’être blasé sur les sensations qui en résultent, et, lorsqu’on en sera venu à se lasser enfin d’apercevoir la nature à travers le même prisme, lorsqu’on s’ennuiera de cette perpétuelle fantasmagorie, de ces effets et de ces contrastes rebattus, l’art anglais trouvera-t-il en lui-même le secret d’intéresser par d’autres moyens ? Il serait temps cependant que les graveurs renonçassent à