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D’après mes souvenirs de ma maîtresse absente ?
Je la décrirai trait pour trait.

« Représente d’abord sa chevelure noire
D’où s’exhalent de doux parfums ;
Sur sa joue arrondie et sur son front d’ivoire
Fais reluire ses cheveux bruns.

« Rapproche, — mais pas trop, — en deux lignes soyeuses
Les ares brillans de ses sourcils ;
Imite, si tu peux, les courbes gracieuses
Et la pudeur de ses longs cils.

« Que ses beaux yeux voilés d’une humide tendresse,
Et cependant remplis de feu,
Rappellent à la fois Diane chasseresse,
Vénus et Minerve à l’œil bleu.

« Sur sa joue et son nez que le lait et la rose
Viennent s’unir et se poser ;
La persuasion sur sa lèvre repose,
Et sa bouche appelle un baiser.

« Les Graces souriront, troupe vive et légère,
Sur son menton voluptueux,
Et sur son col de marbre où tremble la lumière
Et sur son dos majestueux.

« Laisse, en accommodant sa robe purpurine,
Quelques beautés sans les voiler,
Pour qu’on juge le reste et que l’œil le devine
La voilà ! Je la vois parler. »

Et la chanson coulait de sa lèvre facile
Comme au milieu des fleurs une source au flot clair.
Agatharque charmé demeurait immobile ;
Mais, quand le dernier son eut expiré dans l’air,
Il prit entre ses bras l’enfant harmonieuse,
Et, frémissant encor du rêve de la nuit,
Il but un long baiser sur sa bouche rieuse ;
Mais elle s’échappa de ses bras et s’enfuit.
À ce premier baiser plein de douces promesses
L’artiste resté seul rêva pendant un jour,
Et, bercé par l’espoir de nouvelles ivresses,
Il reprit ses pinceaux, conseillé par l’amour.