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blessés, pour porter des rafraîchissemens ou distribuer des cartouches aux combattans et les exalter par leur présence. Combien de fois Zumalacarregui n’a t il pas dû la victoire à leur intervention dans le combat !

Zumala comprit fort bien tout ce que la Navarre, hommes et pays présentait d’inconvéniens et d’avantages. Il se mit immédiatement en mesure de parer aux uns et de profiter des autres. Outre les jeunes gens disponibles pour la guerre, il y avait en Navarre les vétérans de la guerre de 1812 et ceux de l’armée de la Foi de 1823. De ces vieux guerrilleros, les uns avaient été incorporés dans les terceiros ou milice provinciale, les autres s’étaient faits ou douaniers ou contrebandiers. C’est avec ces deux élémens des vieilles guerres que Zumalacarregui forma les premières compagnies de son fameux bataillon des Guides de Navarre, qui servit toujours d’escorte au général, laissant du sang à tous les combats et se renouvelant régulièrement tous les quatre mois par la mort, soldats et officiers. Ces compagnies d’élite, toujours tenues au grand complet, furent constamment lancées à travers les colonnes de l’armée christine, et les détruisirent successivement en s’épuisant elles mêmes à mesure, de telle sorte que de huit cents hommes dont le bataillon fut composé, au bout de deux ans il n’en restait peut être pas vingt de la première formation.

L’admission dans les cadres de ce bataillon d’élite fut considérée comme une récompense militaire durant tout le cours de la guerre. Les cadres en furent successivement remplis avec les volontaires qui se distinguaient dans les autres bataillons, avec les sous officiers christinos faits prisonniers ou transfuges, et que Zumalacarregui incorporait seulement comme simples soldats. Lorsqu’un officier avait démérité dans l’armée carliste, Zumala le rejetait également sans grade dans les compagnies des Guides. Une fois lancé par le général qui le tenait pour ainsi dire à la main, ce bataillon ne revenait jamais sans avoir fait sa trouée dans les rangs ennemis, pareil à cette fameuse colonne de Maison Rouge qui laboura l’armée anglaise à Fontenoy, comme un boulet de canon.

Outre les Guides, Zumala forma trois autres bataillons de Navarre. Les cadres de ces bataillons furent bientôt remplis, car on s’était aperçu en Navarre qu’un véritable homme de guerre présidait à l’organisation des bandes insurgées. Tout cela donna au général carliste un effectif de trois mille hommes. C’était autant qu’il en fallait pour commencer à tenir la campagne en partisan dans un pays aussi accidente que la Navarre. Du reste, il est à remarquer que Zumalacarregui n’opéra presque jamais avec plus de trois mille hommes, bien que ses succès lui aient permis de disposer plus tard de plus de trente mille soldats. Il disait même, dans l’hypothèse d’une intervention française qu’il