Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/751

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nul autre peuple ne saurait lui susciter de concurrence. Les Hollandais, rejetés au sud de l’archipel malais par le traité de 1824, évitent plutôt qu’ils ne recherchent la rencontre du pavillon anglais. — Les Espagnols bornent leur ambition au rayon des îles Philippines. — Les Américains du Nord, fidèles à leur constitution qui leur interdit la possession des colonies lointaines, promènent leurs couleurs sur toutes les mers ; mais, satisfaits des avantages maritimes et commerciaux qu’ils se sont habilement ménagés en Chine, comme sur les autres marchés du monde, ils ne songent pas à compliquer leurs intérêts par les embarras d’un rôle politique ; ils vont partout et ne se fixent nulle part. – Le Portugal, campé encore sur le rocher de Macao, ne représente plus un Chine que le souvenir d’une autre époque, illustrée par la foi et par l’héroïsme. Enfin, serait-ce la France qui irait au fond de l’Asie, faire ombrage à l’Angleterre ? Il convient de rappeler ici le rôle que notre pays a joué dans l’histoire récente de l’extrême Orient.


II

Pendant les guerres de la révolution et de l’empire, le pavillon français parut à peine dans les mers de Chine. Fidèle aux traditions de grandeur maritime que lui avaient léguées les règnes de Louis XIV et de Louis XVI, le gouvernement de la restauration fit, dès son avènement, de louables tentatives pour rétablir les relations de politique et de commerce que la France du XVIIe siècle entretenait avec les contrées de l’Asie, surtout avec l’Inde. Il encouragea les voyages de circumnavigation ; plusieurs frégates partirent de nos ports avec mission d’aborder dans toutes les colonies étrangères, sur tous les points où la science pouvait espérer l’honneur de nouvelles découvertes et qui promettaient à notre commerce de nouveaux débouchés. Le gouvernement de juillet poursuivit résolûment cette œuvre de sage propagande : il multiplia les explorations lointaines ; il expédia successivement la Vénus, l’Astrolabe, la Bonite, etc., qui, sous le commandement d’habiles capitaines, accomplirent le tour du monde et montrèrent notre pavillon dans les deux Océans ; mais ces voyages nous rapportaient, il faut bien le dire, plus d’honneur que de profit. Le commerce maritime de la France, se relevant à peine après tant de désastres, n’osait encore s’aventurer si loin. En réalité, nos relations commerciales avec la côte orientale de l’Asie étaient demeurées presque nulles, pendant que l’Angleterre et les États-Unis voyaient se développer de jour en jour l’importance de leur trafic.

Lorsque la guerre éclata entre la Grande-Bretagne et le Céleste Empire, le gouvernement français établit sur la côte de Chine une station permanente pour suivre de près les événemens et préparer les voies à une intervention plus directe dans les affaires de ce vieux monde qui allait devenir pour l’Europe un monde nouveau. M. le capitaine de vaisseau, commandant la station, s’acquitta fort habilement de cette mission délicate qui avait pour but de concilier la bienveillance des Chinois sans excite les susceptibilités jalouses de l’Angleterre. Ce fut après la signature du traité de Nankin, lorsque les États-Unis et d’autres puissances eurent exprimé l’intention de traiter à