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3,036 barils en 1845
55,750 en 1846
555,546 en 1847
2,030 en 1848[1].

À Marseille, les blés d’Odessa ont suivi à peu près la même progression. Du rapprochement de ces chiffres, on peut conclure qu’aussitôt qu’une hausse un peu forte se déclarera sur les céréales, on verra les États-Unis multiplier leurs envois comme en 1846 et 1847.

Les questions que soulève l’établissement des chemins de fer dans ses rapports avec l’industrie agricole commencent, il faut le reconnaître, à préoccuper les agriculteurs suisses ; l’importation des blés de la Souabe produit dans les cantons de l’est, et jusqu’au centre de la confédération, des résultats analogues à ceux que le transport des blés américains, facilité par les chemins de fer français, tend à développer dans la Suisse romande. Dans les cantons de l’est comme dans ceux qui touchent à la France, on parle des modifications ou plutôt des transformations qu’il faudra faire subir à l’agriculture d’ici à une époque très prochaine, et pourtant, qu’on ne l’oublie pas, les deux dernières récoltes ont été abondantes.

Le canton de Vaud produit des céréales en plus grande quantité que ne l’exige sa propre consommation, car, bien que son exportation ne soit pas considérable, cependant il fournit ordinairement une certaine quantité de blé aux pays qui l’avoisinent, notamment au Valais et à Neuchâtel, sans parler des approvisionnemens de pain et de farine qu’emportent avec eux les paysans savoisiens qui fréquentent ses marchés. Nous avons entendu plus d’un propriétaire vaudois, fort en état de porter un jugement sur l’ensemble des besoins et des productions de son pays, exprimer l’opinion que le canton de Vaud sera très prochainement contraint de modifier son agriculture : au lieu d’être en première ligne avec l’industrie viticole, la culture des céréales ne fournira plus que l’appoint des besoins du canton, et les champs se transformeront en prairies.

Que les chemins de fer dont M. Stephenson a tracé le réseau se fassent ou ne se fassent pas, la transformation que l’agriculture suisse pressent elle-même peut être regardée comme inévitable. Les plaintes de l’agriculteur ne proviennent point de ce que, les besoins de la population ayant diminué, la quantité de la consommation est tombée au-dessous de celle de la production. C’est tout le contraire qui arrive. Pour peu qu’on pénètre dans les détails de la vie domestique des agriculteurs de la Suisse romande, on ne peut méconnaître que l’aisance ne soit en progrès dans la plupart des ménages ; les besoins

  1. L’auteur du Rapport s’exagère peut-être la quantité de céréales ou de farines que les États-Unis peuvent fournir à l’Europe en temps ordinaire. C’est surtout dans le cas de mauvaises récoltes en Europe que l’Amérique peut avec avantage y envoyer des blés ou des farines. L’agriculture américaine prend une part plus régulière à l’alimentation de l’Europe par l’envoi de viandes salées ou conservées, de beurre salé et de fromage. Ce sont des articles que l’on expédie en notable quantité maintenant en Angleterre, au grand avantage de la population anglaise, qui est ainsi mieux nourrie.