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Maîtres de la Thrace et de la Macédoine, les Goths ravagèrent ces provinces tout à leur aise jusqu’à l’année suivante, où Théodose vint prendre possession de l’Orient. Non moins habile à pacifier qu’à vaincre, le nouvel empereur fit sentir aux Barbares la force de son bras avant de les recevoir à composition ; puis, les ayant réduits à l’implorer, il les enferma dans un cantonnement où il mit à profit leurs services. Après sa mort, la trahison de Rufin, ministre d’Arcadius, les en tira pour les lancer sur la Grèce. Alors commença, sous la conduite d’Alaric, le plus célèbre de leurs rois, ce long et sanglant pèlerinage des Visigoths qui les conduisit à travers la Grèce et l’Italie jusque dans le midi des Gaules, où ils s’arrêtèrent.


II. – EMPIRE HUNNIQUE SUR LE DANUBE. – ATTILA ET BLEDA.

Comme la mer, lorsqu’elle a franchi ses digues, se précipite et couvre en un instant des plaines sans défense, ainsi les hordes de Balamir eurent bientôt couvert tout le pays que la fuite des Goths rendait libre. Arrivés devant le vaste fossé du Danube, les Huns s’arrêtèrent avec crainte et n’inquiétèrent point l’empire romain ; mais ils continuèrent à batailler contre les peuples barbares. Ils ne laissaient point d’ennemis derrière eux : la nation des Ostrogoths s’était résignée au joug ; les anciens vassaux d’Hermanaric passaient l’un après l’autre à Balamir ; Athanaric seul tenait bon avec ses tribus fidèles dans les vallées les plus abruptes des Carpathes ; mais ces tribus mêmes, traquées dans leurs défilés et mourant de faim, résolurent d’imiter l’exemple de Fridighern, qu’elles avaient tant blâmé, et de se donner aux Romains plutôt que de courber la tête sous les fils des sorcières. Quelles que fussent ses répugnances, Athanaric adopta ce parti, et, les Romains n’ayant point repoussé sa demande, les Visigoths sortirent à l’improviste de leurs rochers, gagnèrent la rive du fleuve et s’embarquèrent. Ce fut pour toutes les nations européennes, civilisées ou barbares, un grand événement que cette intrusion des Huns au milieu d’elles, ce progrès de l’Asie nomade sur l’Europe. Tout, dans la contrée envahie, changea d’aspect aussitôt : les rudimens de culture qui provenaient des Goths furent abandonnés ; la vie sédentaire disparut ; la vie nomade revint dans toute son âpreté, et la zone circulaire qui menait du bas Danube à la mer Caspienne le long de la mer Noire ne fut plus qu’un passage perpétuellement sillonné de hordes et de troupeaux. La tribu royale des Huns se fixa sur le Danube, comme une sentinelle vigilante occupée à épier ce qui se passait au-delà. Chaque année, le palais de planches de ses rois fit un pas de plus vers le cours moyen du fleuve, et chaque année quelque empiétement sur les peuplades